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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/211

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le débutant

pas de tempérament à conseiller la reculade. Elle n’avait pas eu peur du nègre qui voulait entraîner son amie, un nègre bien plus dangereux que la panthère de Sainte-Perpétue, pourquoi Mirot, un homme courageux, craindrait-il les petits indians qui essaieraient de le scalper ?

L’ancienne collaboratrice du Flambeau, mademoiselle Franjeu, se rangea du côté des pessimistes. Elle prévoyait pour son jeune ami ce qu’avait prévu Jacques Vaillant. Mais son livre ne perdrait rien de sa valeur pour cela. On le lirait quand même et il ferait du bien. Une fois le grelot attaché, d’autres jeunes écrivains canadiens imiteraient son exemple, et qui sait, dans l’espace de quelques années la littérature canadienne, rompant pour toujours avec le genre démodé, datant de l’époque des romans de chevalerie, ferait peut-être un pas de géant.

Le poète Beauparlant, qui se réjouissait déjà de la perspective de pouvoir écrire des vers sans trembler de frayeur, à cause d’un mot qu’on pourrait trouver osé, demanda à mademoiselle Franjeu ce qu’elle pensait de nos écrivains et de notre littérature, dite nationale. Ce qu’elle en pensait, elle le dit tout simplement.

— Votre littérature nationale, mais elle n’existe pas, si je fais exception de quelques rares œuvres d’écrivains et de poètes de votre pays qui ont célébré les héros de la Nouvelle France et les patriotes de mil huit cent trente-sept. Tous les livres qu’on m’a signalés — je ne parle, bien entendu, que des romans — ne m’ont rien appris d’intéressant, d’inédit, sur le Canada et les canadiens. Vos romanciers n’ont fait qu’esquisser des idylles plus ou moins invraisemblables, n’ayant pas même le mérite de l’originalité. On a beaucoup imité le vieux roman français, quelquefois avec talent, ce qui démontre qu’on aurait

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