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le débutant

Paul Mirot et lui confia la correction des correspondances venant de la campagne. Du reste, ce gros homme, culottant des pipes tout le long du jour, était d’une bienveillance extrême pour ceux qui savaient admirer ses coups de plume, et cherchait sans cesse à augmenter dans le personnel de la rédaction, sa petite cour d’admirateurs intéressés. Il indiqua au jeune homme, la façon la plus pratique d’expédier rapidement et convenablement sa besogne : il s’agissait de saisir tout de suite le fait intéressant, de le dépouiller de la phraséologie incohérente, tout en ménageant la susceptibilité du correspondant par trop prolixe dans la narration d’événements ordinaires et sans importance. L’essentiel, c’était de n’omettre aucun nom, afin de toujours exploiter la sotte vanité des gens qui aiment à faire parler d’eux dans les gazettes, ne serait-ce que pour apprendre au public que monsieur Baptiste a rendu visite à son voisin, ou que madame Baptiste a fait un gros bébé.

On empila devant Paul Mirot, toute la correspondance arrivée du matin. Il prit résolument la première enveloppe qui lui tomba sous la main et l’ouvrit. C’était une jeune fille, à la fine écriture, se plaignant des assiduités compromettantes d’un soupirant un peu mûr. Et elle n’y allait pas par quatre chemins, la petite : elle menaçait cet amoureux persévérant, insensible à toutes les rebuffades, de lui mettre le pied à la bonne place, si le moineau ne se hâtait d’aller chercher fortune ailleurs. Le jeune homme resta perplexe. Publiait-on des choses semblables dans le journal ? Il faudrait soumettre le cas à son chef, quand il aurait terminé le dépouillement de la correspondance. Dans la seconde lettre on faisait l’éloge de Mademoiselle X., l’organiste du village qui, lors d’une petite fête religieuse, avait fait entendre ses sons les plus harmo-

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