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le débutant

présentation, Paul Mirot examina curieusement la salle. Autour d’eux, il n’y avait que des hommes, jeunes pour la plupart et, par-ci par-là, quelques têtes blanches et des crânes chauves. Dans la première galerie dominait l’élément féminin : Femmes entretenues, pour la plupart, lui expliqua son compagnon. Tout en haut, dans le poulailler, qu’on nomme le pit, quand on veut faire son petit Shakespeare, le menu fretin s’entassait pêle-mêle. Les loges plus discrètes, ne laissaient entrevoir que des gestes vagues de formes humaines imprécises. Dans l’une d’elles, cependant, une femme montra sa petite main gantée en tirant le rideau, de façon à mieux voir la scène.

La salle était maintenant bondée de monde. La montre que tira nerveusement de sa poche le citadin tout neuf, qu’était Paul Mirot, impatient de jouir du spectacle attendu, marquait huit heures et demie. L’orchestre attaqua le morceau d’ouverture et le rideau se leva sur un décor représentant un Roof Garden de New-York, première partie d’une comédie musicale intitulée American Beauties. Des femmes en maillot, chantaient en levant la jambe, cambrant le torse, avançant, la poitrine ou faisant saillir les rondeurs opposées, selon qu’elles jouaient à pile ou face. Quelques-unes de ces belles avaient des noms qui faisaient venir l’eau à la bouche : Miss Tutti Frutti, Miss Pussy Cafe, Miss Bennie Dictine, Miss Creme Dementhe. Sur une dernière mesure exécutée par l’orchestre, toutes ces beautés blondes et brunes, disparurent dans la coulisse pour faire place à l’inévitable Pat, le bouillant irlandais, jouant des tours pendables au juif Cohen, déguisé en turc, sous le regard flegmatique du Yankee, toujours prêt à tirer parti de la situation. Paul Mirot ne prêtait qu’une attention distraite à cette farce internationale et ne s’intéressait

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