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le débutant

— C’est peut-être quelqu’un qui lui ressemble.

— Je ne me trompe pas, c’est bien lui. À l’entendre pontifier on ne le croirait pas capable de la plus petite polissonnerie. Mais, dans l’intimité, c’est, paraît-il, un vieux terrible. Autant l’homme public est vertueux, autant Troussebelle dépouillé de son caractère officiel est corrompu.

Un dernier tourbillon de bacchantes demi-nues passa sur la scène et ce fut l’intermède durant lequel on épuisa la série des numéros extra, à l’intention de ceux qui préféraient rester dans la salle plutôt que d’aller fumer une cigarette ou absorber une consommation à la buvette du coin.

Ces numéros comprenaient des chansons illustrées, The greatest success of the season, des bouffonneries nègres, des exercices sur bicyclette, et enfin, un couple d’équilibristes, homme et femme, beaux comme des dieux païens, d’une habilité extraordinaire sur le trapèze volant.

Jacques applaudit bruyamment ces deux types de beauté, de force et d’adresse ; puis, éprouvant le besoin d’expliquer à son ami ce brusque élan d’enthousiasme, il lui en détailla les raisons :

— Voilà des gens qui font plaisir à voir. Ce sont de magnifiques spécimens de l’espèce humaine. On dirait qu’ils ont été bâtis par les Romains, avec ce ciment dont on a perdu la formule, ce ciment avec lequel on construisait les monuments antiques qui ont résisté à l’épreuve du temps.

Paul Mirot lui fit observer amicalement :

— Mon cher, tu divagues : ce n’est pas avec du ciment qu’on fait les hommes.

— Oh ! je parle au figuré. Les anciens apportaient les mêmes soins à élever de beaux enfants qu’à construire ces temples destinés à perpétuer, dans les siè-

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