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le débutant

Calvaire, de la délivrer de sa prison et de la venger. L’entreprise n’était pas facile, ce brave jeune homme n’ayant que son courage pour lutter contre des ennemis puissants et capables de tous les crimes. Peu importe, il comptait sur la justice divine qui, dans les bons livres et dans les pièces recommandables, punit toujours les méchants et n’oublie jamais de récompenser ceux qui furent malheureux et persécutés, malgré que dans la vie les choses s’arrangent quelquefois tout autrement. Ce brave jeune homme n’en fut pas moins assassiné deux ou trois fois, sans compter les plaies et bosses dont les geôliers vigilants de l’orpheline le gratifièrent. À la fin, il se fâcha — il était bien temps — et prit ses dispositions pour en finir, une bonne fois, avec ces misérables qui lui ravissaient son bonheur. Il serait trop long ou, plutôt impossible d’expliquer toutes les péripéties de la lutte suprême, qui fut palpitante d’intérêt. Les femmes en avaient presque des syncopes, et dans les galeries, on entendait des hommes crier : Manque le pas, le maudit !… Baptême ! qu’il est tough ! Bref, l’amoureux de la jeune fille séquestrée, à coups de poings, à coups d’épée, à coups de pistolet, en assomma, éventra, cribla de balles un si grand nombre qu’à la fin, il ne restait plus personne pour s’opposer à son entrée triomphale — quoique solitaire — dans la cave du château où sa bien-aimée gémissait, couchée sur un lit de paille humide. Enfin réunis : quelle joie ! quelle ivresse ! Et, cependant, tous les spectateurs pleuraient.

Jacques Vaillant fit mine de considérer son compagnon avec étonnement :

— Comment, tu ne pleures pas ?

— Ma foi, non, c’est trop bête !

— C’est pourtant une pièce extraordinaire, puisque les morts reviennent afin qu’on les retue.

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