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le débutant

les services dans un journal comme l’Éteignoir, soif aussi dégoûtant ?

Jacques Vaillant éclata de rire :

— Je parie qu’il veut te faire connaître, cette fois au sens biblique, la plantureuse May, la grande fille brune dont tu te souviens… rue Sainte-Catherine ? C’est cette hospitalière personne qui le recueille, aux jours de misère, en échange de petits services dont tu connais maintenant la nature. Quant à l’Éteignoir, ses directeurs en ont vu bien d’autres. Ils trouvent en ce malheureux un esclave rampant, prêt à faire toutes les besognes, au rabais. Que peuvent-ils exiger de plus ?

— À ce compte-là, rien, en effet.

Jusqu’au lundi, Paul Mirot rêva de cette femme qu’on lui avait faite si séduisante, de cette femme qu’il verrait enfin à figure découverte et à qui il dirait au moins : Bonsoir, madame. Il n’était pas bien exigeant, pourvu qu’elle ait la gentillesse de deviner son émotion, rien qu’à la façon dont il prononcerait ces mots, il serait heureux. Mais, si elle était malade ce soir-là ? Elle ne viendrait certainement pas au théâtre. Cela arrive aux plus jolies femmes d’être malades. Ou bien, elle ne serait pas seule, ou il se produirait un accident, une catastrophe ?… Deux jours durant, il vécut dans l’anxiété, l’espoir, le doute, dans un état d’âme à la fois pénible et délicieux, que tous ceux qui furent jeunes et enthousiastes comprendront.

La présentation se fit ; de la façon la plus simple du monde. À peine étaient-ils arrivés au Théâtre Moderne, que Jacques Vaillant dit à son ami :

— Dans quelques minutes, tu la verras.

— Où ?

— Là, dans la première loge à droite. C’est une abonnée du lundi, qui a droit à deux places. J’ai retenu

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