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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/90

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le débutant

Le député de la division Sainte-Cunégonde, l’air maussade, n’ayant pu obtenir que le troisième fauteuil de la quatrième rangée de l’orchestre, bousculait la dame et la jeune fille qui occupaient les deux fauteuils plus rapprochés de l’allée centrale. Madame Laperle, après avoir observé la scène, dit à Jacques :

— Vous êtes donc mon ange-gardien, que je vous trouve partout où j’ai besoin de protection ?

— Vous plaisantez. J’aurais mauvaise grâce, par exemple, de venir vers vous en archange Gabriel.

— Toujours le même. Vous ne serez donc jamais sérieux ?

— Peut-être, quand je serai mort, et pour longtemps… Mais, j’oubliais de vous dire qu’à cause de la gravité de la situation, j’ai cru devoir prendre un allié, intéresser un ami à votre sort. Permettez que je vous le présente.

— Mais avec plaisir. J’ai bien le droit de connaître mes défenseurs.

Et c’est ainsi que Paul Mirot connut madame Laperle.

On jouait, pour la première fois à Montréal, Suffragette, comédie satirique ayant obtenu un immense succès en Europe. Seulement, la troupe française qui avait commencé les répétitions durant la traversée, en arrivant à Montréal, fut désagréablement surprise d’apprendre que la pièce, soumise d’avance aux censeurs imposés à la direction du Théâtre Moderne, était si défigurée, la mise en scène tellement bouleversée qu’on n’y comprenait plus rien. Il fallait se soumettre, quand même, mais les artistes se donnaient la réplique sans enthousiasme, l’œuvre trop grossièrement mutilée manquait d’ensemble, de réparties piquantes, spirituelles, qu’on avait toutes supprimées, et cette première représentation laissa le public mé-

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