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Page:Bever-Léautaud - Poètes d’aujourd’hui, I, 1918.djvu/100

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RENÉ GHIL

1862



D’origine belge par son père et française par sa mère, M. René Ghil est né à Tourcoing (Nord) le 27 septembre 1862. Sa plus grande gloire est d’avoir inventé la Poésie scientifique, qui eut un moment de vogue aux environs de 1887. M. René Ghil fit ses études au Lycée Condorcet, où il fut le camarade d’Ephraïm Mikhaël et de MM. Pierre Quillard, Stuart Merrill et André Fontainas. Son premier livre parut en 1885. Il avait pour titre : Légendes d’Ames et de Sang, et contenait une préface dans laquelle M. René Ghil basait déjà sur la science l’œuvre qu’il se proposait d’écrire. À cette époque, M. René Ghil était encore très fortement sous l’influence de Stéphane Mallarmé. Collaborateur au Scapin, petite revue où l’on trouve son nom presque à chaque numéro, il y publiait des sonnets très imités de son maître, tels ceux qu’on lira en tête de notre choix. Sa personnalité commença à se manifester en 1886, quand il publia le Traité du Verbe. C’est en effet dans cette petite plaquette que M. René Ghil exposa pour la première fois sa nouvelle théorie poétique, appelée par lui l’Instrumentation verbale. Curieuse théorie, qu’il est resté le seul à professer. Déjà, Arthur Rimbaud avait découvert des couleurs aux voyelles, M. René Ghil, s’inspirant de lui, allait encore plus loin. D’abord, il dérangeait un peu l’ordre de Rimbaud. Ce n’était plus :

A noir, E blanc, I rouge, O vert, U bleu,


comme dans le fameux sonnet. C’était :

A noir, E blanc, I bleu, O rouge, U jaune.

De plus, associant dans sa méthode les consonnes aux voyelles, il leur découvrait à son tour des correspondances avec des instruments. Selon lui, telle consonne, placée devant telle voyelle suggérant telle couleur, répondait au son de tel instrument et évoquait telles idées. On devait avoir ainsi dans un livre de vers un double plaisir, celui de la