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HENRI DE REGNIER 117

d’André Chénier, qui fut un maître pour M. de Régnier. On trouve dans ce volume une série de sonnets, Les Passants du Passé, un peu dans le goût des sonnets de José Maria de Heredia, et où il semble que M. de Régnier ait voulu se délasser, s’amuser. On en prit même prétexte pour avancer qu’il commençait à revenir aux formes poétiques traditionnelles, les uns entendant lui faire ainsi un compliment, les autres un reproche. C’était tenir peu compte de certains autres poèmes des Médailles d’Argile, où se retrouve bien, avec toute sa personnalité, le poète d’Aréthuse et du Vase.

La Cité des Eaux, publiée en 1902, tire son titre d’une série de sonnets sur Versailles,

O Versailles, Cité des Eaux, Jardin des Rois !

que M. de Régnier écrivit pour servir de commentaires à des dessins de M. Helleu. Ils sont suivis d’autres poèmes où M. de Régnier a montré un nouvel aspect de son talent. Par exemple, la pièce intitulée La Lune Jaune, qu’on trouvera dans notre choix, d’une couleur et d’une émotion tout à fait singulières. Les sonnets de La Cité des Eaux sont dédiés à José Maria de Heredia, et un des poèmes qui suivent, Marsyas, écrit en vers libres, à la mémoire de Stéphane Mallarmé. José Maria de Heredia et Stéphane Mallarmé sont certainement les deux poètes qui ont eu le plus d’influence sur M. de Régnier, le premier avec Les Trophées, le second avec L’Après-midi d’un Faune. On trouve aussi dans ce volume certains poèmes qu’on ne peut lire sans s’y arrêter, à cause de la pensée dont ils sont pleins. Le poète a accompli une grande partie de son œuvre. Il s’arrête un moment, et se retourne vers sa jeunesse, presque dans un geste d’adieu. Il y a là une songerie, une émotion auxquelles on ne peut résister.

La Sandale ailée, publiée en 1907, est à ce jour le dernier volume de vers de M. de Régnier. Le changement marqué dans les poèmes dont nous venons de parler, — l’abandon du décor pour l’expression directe des sentiments, — y est encore plus sensible. Les pièces que nous en avons extraites renseigneront d’ailleurs mieux qu’aucune appréciation. Ce n’est pas trop dire que La Voix, Le Reproche et L’Accueil, parmi plusieurs autres poèmes d’égale valeur, peuvent être mis au rang des plus beaux de leur auteur.

Les romans de M. de Régnier sont aujourd’hui au nombre de sept. La Double Maîtresse, Le Bon Plaisir, Les Rencontres de M. de Bréot, se passent au XVIIe et au XVIIIe siècle. Le Mariage de Minuit, Les Vacances d’un jeune homme sage, Le Passé Vivant et La Peur de l’Amour sont des romans modernes. La première impression qu’on retire de ces livres est celle d’un écrivain pour qui écrire doit être un véritable plaisir. Tout y est clair, facile et orné,