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Page:Bias - Les Faux Monnayeurs.djvu/23

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mité de la muraille grise, les oscillations de la chandelle en font sortir des rayons.

Le bonhomme de la rue des Filles-Dieu jugé par Gall serait un homme de génie ; le brocanteur poussiéreux et déguenillé est doué par la nature d’une de ces beaut és qui font les héros du monde galant. Qu’il ait ou non quarante ans, cet homme serait superbe avec un coup de peigne et un habit noir.

Le silence et l’ombre s’étaient répandus dans la rue des Filles-Dieu : un gros chat couché sur un tas de vieux sacs, dans un coin de la boutique, faisait seul entendre son ron-ron, dont le bruit régulier ne troublait point la méditation du maître.

Félix oubliait l’heure et le sommeil quand, tout à coup, il prêta l’oreille, posa rapidement son livre, et courut vers la porte d’entrée du magasin.

On entendait dans la rue des pas rapides qui se rapprochaient. Au moment où le brocanteur allait ouvrir sa porte, un violent coup de pied l’ébranlait du dehors.

Il ouvrit et referma.

— Frère, dit une voix basse et rapide, je suis poursuivi ; sauve-moi.

Félix ne répondit qu’un seul mot :

— Viens.

Et à l’endroit même où il était assis un instant plus tot, il jeta de côté livres et meubles, leva une trappe, y poussa le nouveau venu, la laissa retomber, replaça les bouquins et courut à son arrière-boutique. Là, il saisit une barre de fer, au moyen de laquelle il brisa un châssis qui donnait sur une cour noire, entourée de hautes murailles ; puis revint assez à temps à sa porte pour l’ouvrir à la maréchaussée, qui commençait à l’enfoncer, sans autre forme de procès.

Alors, des soldats, requis par les agents à un poste voisin, sc jetèrent comme une avalanche dans la boutique.

— Un homme vient d’entrer ici ? demanda le scrgent.

— Oui, mon officier, répondit Radèze, dont les mains tremblaient à faire pitié, dont les dents claquaient de terreur, il vient de passer par là.