Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 3, 1878.djvu/95

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« on la souillait », où on invoquant la liberté de la presse, « on l’outrageait », furent le mauvais biais donné à l’opinion du peuple sur cette liberté, l’exemple démoralisateur offert à la populace, l’encouragement fourni au « dévergondage » de la presse périodique[1].

Ç’a été souvent un malheur pour la population canadienne, et pour celle des campagnes en particulier, d’en être réduite à ne pouvoir lire que des gazettes entachées d’un aveugle esprit de parti, parlant toutes dans le même sens, et quelquefois aussi, comme à l’époque où nous en sommes, rédigées « lourdement, étourdiment, sans discrétion quelconque, ni ombre de jugement, et[2] affichant une licence inouïe, pour ne pas dire un cynisme révoltant[3] ».

La Minerve en appelait de toutes ses forces au peuple, surtout au peuple des campagnes, et elle dut trouver chez lui quelqu’écho, car de même que ce journal, le Canadien et la Gazette de Québec semblaient avoir posé directement, ou indirectement, en principe que la liberté de la presse devait être illimitée ; que cette liberté ne pouvait pas dégénérer en licence ; et que conséquemment il ne pouvait pas y avoir de

  1. Résolu. Que dans un pays libre, c’est un des droits les plus sacrés pour tout sujet d’émettre ouvertement son opinion sur tout ce qui concerne le gouvernement, comme aussi de discuter librement sur la constitution de toute sorte d’autorité constituée, que même l’extrême liberté de la presse est préférable à un état de gêne où l’on ne pourrait signaler publiquement les désordres ou les abus du pouvoir qu’indirectement et avec restriction…
  2. « La polémique est parfois redondante, lourde, dans les gazettes rédigées en français : la critique pourrait être moins acrimonieuse, et plus spirituelle. » — M. Lebrun.
  3. Pour ce qui regarde les terres du clergé, il serait possible que l’arrangement fût aussi avantageux que celui des biens des Jésuites. On fait semblant de nous les céder, mais c’est à condition que la couronne, (c’est-à-dire, une classe de sangsues privilégiées), en disposera pour l’avantage de la province, qui, en retour, bâtira des casernes aux troupes du roi dont nous n’avons pas besoin car nous pourrons nous garder et nous défendre nous-mêmes… Voilà encore une des concessions qu’on veut nous prôner. Et le peuple se lais-