Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 3, 1878.djvu/97

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triomphateurs, en arrivant près de Montréal, devaient être accompagnés d’un nombre immense de paysans ; on devait, de la ville, aller au devant d’eux jusqu’à la Pointe-aux-Trembles, (distance d’environ quinze milles), ou du moins jusqu’à Hochelaga : un nombre prodigieux de pavillons et de drapeaux avaient été préparés ; les médailles étaient prêtes, et devaient leur être présentées sur la place de la liberté, (ci-devant place Dalhousie,) après quoi, la grande procession devait parcourir les rues de la ville et des faubourgs.

On était dans l’attente d’une pompe, d’une fête, comme on n’en avait jamais vu en Canada, et qui devait ressembler à la fédération du 14 juillet 1790, sur la place de la Révolution, quand le manque de jugement, l’indiscrétion ou l’inadvertence du rédacteur de la Minerve vint malencontreusement rabattre de la fougue des plus exaltés, modérer la pétulance de langage des plus audacieux : il eut l’imprudence de publier, dans son numéro du 16 février, un écrit où l’on disait explicitement ce qui n’avait encore été dit qu’implicitement par lui-même ou par ses correspondans, savoir, (en substance), que le peuple se fera justice lui-même ; qu’une séparation immédiate de l’Angleterre est devenue nécessaire ; que les Canadiens doivent se hâter de se rendre indépendans, &c[1]. Quoique cette production ne fût que le corollaire des accusations portées contre le gouvernement de la métropole

  1. « Le peuple s’apercevant que ses plaintes sont méprisées, et qu’on sacrifie à quelques hommes le bonheur d’une nation, se fera justice à lui-même. Jusqu’à présent, les Canadiens ont été modérés et patiens, mais ils sont las d’être injuriés et calomniés : s’ils ne valent pas mieux que les chiens ou les chevaux anglais, ils doivent chercher l’alliance d’un peuple qui les regarde comme ses égaux, je le répète, une séparation immédiate de l’Angleterre est le seul moyen de conserver notre nationalité… C’est le sort qui nous est réservé si nous ne nous hâtons de nous rendre indépendants. »