Page:Bibaud - Histoire du Canada sous la domination française, Vol 1, 1837.djvu/190

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effet, le chevalier de Vaudreuil partit, le lendemain, pour ce canton, à la tête de six à sept cents hommes, avec ordre de couper les bleds, de brûler les cabanes, et au cas qu’on lui fît la moindre résistance, de passer au fil de l’épée tous ceux qu’il pourrait joindre. Le reste de l’armée fut occupé, pendant deux jours, à ruiner le canton d’Onnontagué, d’où tout le monde s’était enfui, à l’exception d’un vieillard de près de cent ans, que l’on prit, à l’entrée du bois. Il paraît, dit Charlevoix, qu’il y attendait la mort, avec la même intrépidité que ces anciens sénateurs romains, dans le temps de la prise de Rome par les Gaulois. On eut la cruauté de le livrer aux Sauvages de l’armée, qui, sans égard pour son grand âge, déchargèrent sur lui le dépit que leur avait causé la fuite des autres. « Ce fut, continue le même historien, un spectacle bien singulier de voir plus de quatre cents hommes acharnés autour d’un vieillard décrépit, auquel, à force de tortures, ils ne purent arracher un seul soupir, et qui ne cessa, tant qu’il vécut, de leur reprocher de s’être rendus les esclaves des Français, dont il affecta de parler avec le dernier mépris. La seule plainte qui sortit de sa bouche fut, lorsque, par compassion, ou peut-être de rage, quelqu’un lui donna deux ou trois coups de couteau, pour l’achever. « Tu aurais bien dû, lui dit-il, ne pas abréger ma vie ; tu aurais eu plus de temps pour apprendre à mourir en homme. »

Après avoir brûlé le fort et les villages d’Onneyouth, M. de Vaudreuil revint au camp, avec une trentaine de Français, qu’il avait délivrés de captivité : ils étaient accompagnés des principaux chefs du canton, qui venaient se mettre à la discrétion de M. de Fron-