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le fort et la ville de Saint-Jean. Il y eut quelques altercations entre de Brouillan et d’Iberville, d’abord au sujet du commandement, ensuite par rapport au butin à faire. D’Iberville voulait commander exclusivement les Canadiens ; M. de Brouillan, au contraire, prétendait qu’ils devaient être soumis à ses ordres, comme ses propres miliciens et ses soldats. D’Iberville mécontent parla de se retirer ; mais les Canadiens déclarèrent unanimement qu’ils ne reconnaîtraient point d’autre chef que lui, et que c’était à cette condition qu’ils s’étaient enrôlés[1]. Il fallut en passer par là.

M. de Brouillan voulant qu’on commençât par attaquer la capitale, il fut réglé qu’on se rendrait séparément à Saint-Jean, M. d’Iberville avec ses Canadiens, et le gouverneur avec ses troupes et ses milices ; que quand ils seraient réunis, M. de Brouillan aurait tous les honneurs du commandement ; mais que le « pillage » (c’est l’expression de Charlevoix,) serait partagé de telle sorte, entre les deux troupes, que d’Iberville, qui faisait la plus grande partie des frais de l’expédition, aurait aussi la meilleure part du butin.

  1. « D’Iberville était Canadien, dit Charlevoix, et personne n’a fait plus d’honneur à sa patrie ; aussi était-il l’idole de ses compatriotes. En un mot, ces braves Canadiens étaient la dixième légion, qui ne combattait que sous la conduite de César, et à la tête de laquelle César était invincible. D’ailleurs, ajoute-t-il, le gouverneur de Plaisance avait la réputation d’être dur et haut dans le commandement, et il n’y eut jamais de troupes avec lesquelles on réussit moins par la hauteur et la dureté, que les milices canadiennes, très aisées cependant à conduire, lorsqu’on sait s’y prendre d’une manière tout opposée, et qu’on a su gagner leur estime. »