Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 106 —

Quelqu’un désire-t-il, comme on dit, s’arranger,
Aussitôt chacun cherche à le décourager ;
Chacun le contredit, le tourne en ridicule ;
Et même de lui nuire on ne fait point scrupule.
Éconduits, jalousés, que d’hommes à talents
Ont quitté leur pays, ou sont morts indigents !
Est-ce ainsi qu’on en use en France, en Angleterre ?
L’étranger qui s’en vient habiter notre terre,
Voyant chez nous si peu d’accord ou d’amitié,
S’indigne contre nous, ou nous prend en pitié.
Faut-il que l’envie entre en des cœurs magnanimes !
Ici, Germains, Bretons sont toujours unanimes :
Nous ne les voyons point se nuire, s’affliger,
Pour un brinborion prêts à s’entregorger ;
Plaider pour un brin d’herbe, une paille, une cosse.
Voyez, surtout, voyez les enfants de l’Écosse,
Comme ils s’entraident tous, du manant au marquis.
Voyez les Iroquois et les Abénaquis ;
Nous osons les traiter de nations barbares ;
Mais voyons-nous chez eux des jaloux, des avares ?
De la simple nature ils suivent les sentiers ;
Ils sont farouches, fiers, indociles, altiers ;
Mais il faut voir entre eux la conduite qu’ils tiennent ;
Comme ils sont tous d’accord, et toujours se soutiennent.
Ce qu’ils furent jadis, ils le sont aujourd’hui.

Un autre tort c’est d’être envieux pour autrui ;
Quand on a des parents, vouloir qu’on les préfère
À quiconque se meut dans une même sphère ;
Grincer presque des dents, et frémir de fureur,
Si quelqu’autre est cru, dit aussi bon procureur,