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Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/47

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le secret de la marquise

qui s’étaient succédé avaient considérablement amaigri, altéré ses traits ; les jolies couleurs roses naguère rendant ses joues si fraîches avaient complètement disparu, pour faire place à une pâleur marmoréenne ; il y avait sur toute sa figure un air de souffrance, d’épuisement, qui faisait peine à voir. En l’apercevant ainsi dans ce grand fauteuil, toute vêtue de blanc, les deux mains jointes sur sa poitrine serrant le crucifix, on l’eut cru morte. Tout aussi dans l’appartement prêtait à l’illusion, les bouquets de fleurs naturelles reposant sur le bureau, les rayons du soleil pénétrant à demi dans la chambre, à travers les épais rideaux de damas, venant se jouer à ses pieds augmentant encore la pâleur transparente de son visage. En cet instant le marquis qui reposait depuis près d’une heure ouvrit les yeux ; le délire semblait l’avoir quitté, ses regards demeurèrent longtemps fixés dans le vide. Il avait en ce moment un vague souvenir de ce qui s’était passé durant sa maladie, le dévouement de Louise, sa patience, sa tendresse à le soigner ; il se sentait ému d’être l’objet d’un attachement aussi grand, aussi tendre, cette femme aux sentiments si délicats, à l’âme si poétique lui avait prouvé combien il lui était cher. Ah ! qu’il était heureux. Le souvenir de la terrible confidence de sa mère l’avait quitté ; il jouissait à cette heure d’une joie parfaite. Soudain, il chercha du regard celle qui lui faisait éprouver tant de bonheur ; il l’aperçut près de lui, livide, les traits altérés, pâle, étendue dans ce grand fauteuil. Un cri s’échappa de sa poitrine. Se soulevant, il saisit les mains de la jeune fille, les porta à ses lèvres en l’appelant des noms les plus