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un homme d’honneur

mais n’osant aller la retrouver, ni même l’appeler.

Les heures s’étaient succédé sans qu’elle revînt, les deux enfants, après s’être longtemps entretenus des moyens à prendre afin d’aider le plus possible leur mère, avaient fini par s’endormir. Gabrielle, la tête appuyée sur les genoux de son frère, le visage à demi caché par les boucles soyeuses de sa chevelure blonde, reposait dans un abandon charmant, gracieux ; on sentait en la regardant ainsi, que l’enfant, dans son sommeil, avait oublié les soucis de la vie ; mais sur les traits de Marcel se lisait encore l’anxiété qui l’avait agité tout le jour. Il revoyait en rêve les débats de la cour, il entendait, de nouveau, l’arrêt fatal les dépouillant ; un pli profond se creusait sur son front, tandis que son bras, entourant la taille de sa jeune sœur, s’agitait d’un tremblement nerveux et sa main l’attirait plus près de lui, comme s’il voulait la protéger.

Au-dessus d’eux, dans un grand cadre, se penchait à la muraille, représenté de grandeur naturelle, un homme dans la trentaine, au visage grave et doux. C’était le père. On eut dit, en les apercevant ainsi tous les trois, que le dormeur du sommeil éternel était le veilleur, tandis que les deux autres reposaient ; les pâles rayons de la lune éclairant seuls la chambre où la nuit était entrée, donnaient au mort l’illusion de la vie, cette pièce semblait à cette heure réunir trois êtres bien vivants. Lorsque Madame Daulac, après avoir longtemps pleuré, y pénétra, que ses regards angoissés tombèrent sur le père et les enfants, sans pouvoir avancer, elle revécut dans un instant les ans de son bonheur, puis, revenant à