Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
un homme d’honneur

tombeau en disant : Que m’importe, pourvu que je sois payé, moi.

Ô humanité ! pauvre humanité, tu te vantes d’être civilisée et chaque jour, comme Caïn, tu tues ton frère ! Le jeune homme serre les poings de rage, en jetant sur sa mère un regard de douleur, en tenant plus étroitement sur sa poitrine sa petite sœur en larmes, qu’il sent trembler sur son sein. Pourquoi est-il impuissant à rendre à celles qui lui sont si chères la vie, le sourire ? Il n’a rien. Il regarde avec égarement cette chambre nue, où leurs vêtements, faute de meubles pour les contenir, demeurent appendus sur les portes. Le portrait de leur père, dont le riche encadrement contraste avec la pauvreté du lieu, orne seul la muraille. Celui-là on n’a pu l’enlever, c’était un des membres de la famille, il devait rester lui aussi, pour être témoin du désastre et rappeler par son luxe les jours meilleurs. Un coussin de satin peint a été aussi respecté, ouvrage de Madame Daulac, on ne pouvait le prendre, sans quoi ces deux objets, seuls vestiges de l’aisance d’autrefois, auraient aussi disparu.

Comme il était beau, cet adolescent, dans sa rage impuissante ; son regard sombre illuminant ses traits pâles, délicats, et les formes bien prises de sa noble stature formant un contraste charmant avec la gracilité de sa sœur, dont la blonde chevelure inondait son épaule. Ce fut à cet instant que le docteur et Paul pénétrèrent dans la pièce. Marcel en apercevant Bienville poussa un cri :