Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 101 —

Le patron se disait issu du sang royal :
Il ne le croyait pas, mais le faisait accroire.
Il mourut à trente ans, si j’ai bonne mémoire,
Ou plutôt, si l’on m’a conté la vérité,
Laissant peu de regrets aux gens de sa cité.
Peu de bien aux enfants de son aimable épouse ;
Épouse qui de lui jamais ne fut jalouse.
Elle avait vingt-cinq ans, quand son mari mourut.
Dès qu’on sut l’homme en terre, on vint, on accourut
Consoler, ranimer la jeune et belle veuve,
Qu’on croyait succomber sous la terrible épreuve.
Quand on sut que gaiment on pouvait l’aborder,
Chez elle, de partout, les galants d’abonder.
Que fit-elle avec eux ? Je ne saurais dire ;
Et ma muse, entre nous, n’aime point à médire.
Enfin, il en vient un qu’elle veut épouser ;
Mais, pour y parvenir, il lui fallut ruser.
De ses filles, déjà, l’aînée est femme faite,
Est belle, aimable, gaie, enfin presque parfaite ;
Et la mère avait beau vouloir se l’attacher,
Le galant paraissait vers le tendron pencher :
La plus jeune, à ses yeux, semblait aussi plus belle.
« Que faire ? comment me débarrasser d’elle ?
« Je ne vois qu’un moyen, c’est de la renfermer
« Sous la clef, dans sa chambre, afin d’accoutumer
« Mon amant à me voir et seule et sans ma fille. »
Quand l’amant arrivait, la mère de famille
Avait, auparavant, relégué dans un coin
L’objet de sa visite. Il ne se départ point ;
Il devient patient ; à tout on s’accoutume.
« Ma fille a la migraine, ou bien elle a le rhume. »