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LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

Pierre Dugal se mit à courir. Sa haute taille, ses membres agiles et nerveux se dessinaient bien en dépit de la rude étoffe du pays dont il était vêtu. Quelques passants le voyant ainsi filer s’arrêtèrent pour le regarder.

— Diantre, voilà un beau gars, fit une vieille femme, j’me demande ousqu’il va à la fine course comme ça. J’suis sûre qu’il va se mêler à la bagarre lui aussi. Ah ! ces têtes chaudes, qu’est-ce qu’ils vont nous amener avec tous leurs discours, ils ne changeront toujours pas ces têtus d’Anglais.

— Qu’en savez-vous la mère, riposta un petit homme maigre et sec. Quand on a un animal rétif il faut essayer de le dompter, si on ne veut pas se faire casser le cou. Le cheval est plus fort que l’homme, mais l’homme a une manière à lui, de le cravacher qui finit par le morigéner. Le cheval c’est l’Anglais, il a beau être fanfaron le Canadien finira par lui casser la gueule et lui faire entrer quelque chose dans sa caboche, à coups de marteau s’il le faut.

— Oui, si le cheval ne vous envoie pas chanter une gamme dans l’autre monde avec son sabot.

— Les femmes, c’est toujours comme ça, on n’arriverait jamais à rien si on les écoutait, ça peur de tout.

— Pas quand ç’a de la jeunesse, fit une rubiconde paysanne, sortant de la maison voisine,