Page:Bibaud - Les fiancés de St-Eustache, 1910.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

On le suit.

— Sautez, dit-il à ses compagnons, je serai le dernier.

— Non pas, mon colonel, répond Pierre Dugal, je reste après vous.

— Non, mon ami, je suis votre commandant, obéissez. Si l’on vous tue c’est moi qui doit vous venger.

Durant ce court dialogue les autres ont sauté, ils s’affaissent sous les balles des Anglais. Pierre s’élance à son tour, puis Chénier ; en tombant le docteur se brise la jambe ; néanmoins sur un seul genou, il se relève, tire et brise le crâne d’un officier aux prises avec Pierre ; l’Anglais a son compte ; mais un autre prend sa place et frappe le fiancé de Lucienne en pleine poitrine, tandis que Chénier atteint aussi au cœur s’affaisse sur le sol, par un suprême effort le héros soulève la tête et s’écrie en mourant :

— Vive la liberté !

Pierre criblé de balles expire au même instant. Les murs de l’église se tordent sous les flammes, et du plus haut sommet des clochers qui brûlent, l’airain en sanglots convulsifs tinte lugubrement le glas funèbre des martyrs qui un à un tombent en arrosant le sol de la patrie du plus pur de leur sang. Grains de sénevé devant faire naître plus tard une nation libre et florissante au cœur d’un beau pays. Le sacrifice fut grand, la cause était si noble.