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V


À Monsieur Edgar T…

Edgard, accourez bien vite. Je l’ai vue enfin ; non en rêve, non en fumée, mais bien en chair et en os. J’ai entendu sa voix, qui m’a semblé la plus suave musique qui ait jamais retenti à mon oreille. J’ai senti sa petite main trembler dans la mienne, et j’ai cru devenir fou de bonheur. Elle était bien réellement là, ma Laure bien-aimée, dans ce berceau que je bénis, ce n’était pas un monstre, ni une vieille aux cheveux blancs ; non, c’était une charmante figure, une jeune fille dans toute sa fraîcheur et sa grâce. C’était, devinez ; je ne vous le donnerai pas en cent, je ne vous le donnerai pas en mille, ce style est passé, et je ne veux plus me souvenir du passé, le présent seul m’intéresse. Cette femme, je l’avais déjà vue, se peut-il que j’aie passé devant elle sans deviner quelle âme se cachait sous cette délicate enveloppe ? Je n’ai su que vous dire : elle a de fort beaux yeux noirs, un nez quelque peu fripon, une bouche moqueuse. Je viens de vous la nommer. Oui, c’était elle ; Alice de C. est mon inconnue, ma déesse, ma fée, ma fine mouche enfin, que je ne veux plus laisser s’envoler. Oh ! Edgard, le plus heureux moment que j’ai encore éprouvé fut hier soir lorsqu’entrant dans cette mystérieuse allée, où l’on m’avait donné rendez-vous, je l’aperçus sur un