Page:Bibesco - La Question du vers français, 1896, éd3.djvu/20

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les Allemands se glorifient ne ressemble à l’hexamètre grec ou latin ; mais passons), la césure, que le romantisme a assouplie et élargie en même temps que le rejet, est indispensable, mais moins, certes, beaucoup moins que la rime ; et, n’en déplaise à M. A. France, « un vers sans rime et sans un nombre déterminé de syllabes » que lui, M. France, peut concevoir, « n’ayant que la seule césure », — ce vers-là ne sera que de la prose cadencée, plus ou moins bonne, tout bêtement, suivant qu’elle sera de M. Moréas ou non. M. France me remémorera-t-il quelques cas archi-isolés ? Baïf, je crois, puis, deux cent cinquante ans après, le roi Louis de Hollande, essayant d’apprendre le vers blanc à leur Muse ? Que M. France essaye de relire leurs essais ; s’il est satisfait, il ne sera vraiment pas difficile. M. France a-t-il oublié ce qu’a écrit sur la rime un homme dont le bon sens spirituel atteignait le génie quand le cynisme ou l’impiété ne l’égalaient pas, l’auteur du Dictionnaire Philosophique ? Qu’il prenne la peine de reméditer l’article sur la Rime ; et, s’il n’est pas converti, il mourra dans l’impénitence finale. Trop impatient pour être savant, trop ardent pour savoir descendre minutieusement dans le menu des choses, trop polémiste avant tout, Voltaire n’a pas épuisé, loin de là, tous les arguments en faveur de la rime ; mais sa défense n’en reste pas moins immortelle comme la rime, cette redoutable séductrice, qui se vengera toujours harmonieusement sur ses détracteurs. En mettant de côté l’habitude, qui a bien sa valeur comme argument psychologique, la rime se prévaut, pour s’imposer, de deux besoins :

La faiblesse de l’accent tonique ;

La nécessité du rhythme.