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Rapports littéraires, artistiques et commerciaux de Venise avec la Flandre.

Une partie de ces documents ont trait à la croisade contre les Turcs ou mieux à la guerre de Romanie. Pour en comprendre l’importance, il est nécessaire de les replacer dans leur cadre, au milieu des événements qu’ils relatent et à la suite des lettres déjà connues de Marino Sanudo.

Philippe VI, faisant siens les projets de son prédécesseur Charles IV le Bel, avait entrepris une nouvelle croisade en Terre-Sainte. Comme l’avait fait son père Charles de Valois pour la conquête de Constantinople, il s’adressa aux Vénitiens. Il les pria de lui envoyer de « bonnes personnes et convenables, qui par certaine expérience sachent les choses appartenant au proufit dudit saint veage » et en particulier les prix de nolis des vaisseaux, les conditions du ravitaillement de la flotte (Châteauneuf-sur-Loire, 18 novembre 1331)[1]. La Seigneurie reçut les lettres royales le 17 décembre[2] ; elle ne répondit que le 11 mai 1332. Les Turcs menaçaient alors, avec une flotte de cent vingt lins[3], les colonies vénitiennes, pillaient Négrepont et la Romanie, pendant que les Tartares refoulaient les Grecs. Le doge, tout en accréditant ses ambassadeurs, Jean Bellegno, Blaise Geno, Marin Mauroceno, auprès de Philippe VI, le suppliait d’envoyer vingt ou trente galères de guerre dans l’Archipel et la mer Noire pour intercepter les convois maritimes des Infidèles[4].

Sur ces entrefaites, Marino Sanudo, qui résidait à Naples auprès du roi de Sicile, arrivait à Venise. À peine fut-il mis au courant de la question qu’il se hâta d’écrire au roi de France (Venise, 27 avril 1332)[5]. Il rappelait les relations d’amitié qu’il avait eues avec Charles IV le Bel, les conseils qu’il avait prodigués à l’occasion de la croisade avortée de 1324, et, arguant de ses services passés, il traçait le plan de campagne à suivre. « Envoyez, disait-il au roi de France, envoyez votre armée en Égypte, prenez Alexandrie, pendant que votre escadre, forte de dix ou quinze grosses

  1. L. de Mas-Latrie, Commerce et expédition de la France et de Venise au moyen âge, dans la Collection des documents inédits, Mélanges historiques, nouvelle série, t. III, p. 97-101.
  2. Ibid.
  3. Le lin était un bâtiment à rames plus petit que la galiote.
  4. Ibid. On appelait Romanie l’empire d’Orient.
  5. Fr. Kunstmann, ouvr. cité, p. 791-798.