Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Angleterre ; on allait même jusqu’à assurer que lui-même en avait parlé[1].

Tout ceci explique que les habitants de Reims, très attachés à leur roi et au régent son fils, aient épié d’un œil inquiet l’attitude de l’archevêque. Peu après la défaite de Poitiers, effrayés de ses conséquences, ils avaient cédé à un moment d’affolement et, le 29 septembre 1358, réunis à Saint-Denis, ils s’étaient enhardis jusqu’à exiger que l’archevêque sortît du château[2] qui englobait dans ses remparts une ruine romaine célèbre, la porte de Mars ; ils voulaient qu’il vînt habiter le palais qui était attenant à la cathédrale. Leur inquiétude s’explique par ce fait que le château de la porte de Mars n’était séparé de la ville par aucune fortification, et que l’ennemi, une fois dans le château, eût été du même coup maître de Reims.

L’archevêque, ému d’une telle prétention, avait cédé, puis les bourgeois, émus des suites de leur acte, s’étaient empressés de rendre au prélat les clefs du château de la porte de Mars en le suppliant de leur pardonner. Ceci expliquera le peu de confiance qu’en somme les bourgeois et l’archevêque avaient dans leurs intentions réciproques.

Cependant, tout le monde se mit d’accord pour choisir le capitaine chargé de diriger la défense, dans le cas de plus en plus vraisemblable d’une attaque. L’archevêque, les bourgeois, le régent[3] s’entendirent pour confier cette charge à Gaucher de Châtillon. Le danger approchait en effet. Dans les derniers jours de l’année 1358, la forteresse de Roucy avait été emportée, le comte de Roucy avait été fait prisonnier avec la comtesse et sa fille[4] ; puis ç’avait été le tour de Vailly, de Pont-Arcy, de Courlandon, Saponay, Sissonne, etc.[5]. Le cercle se resserrait constamment autour de Reims.

L’archevêque, fils de Béatrice de Roucy, particulièrement

  1. Bibl. nat., Collection de Champagne, vol. 150, pièce 28. L’archevêque dans ses dires, qui jusqu’à présent étaient seuls connus, faisait aussi allusion à ces soupçons de la part des Rémois (J. Hubert, le Siège de Reims par les Anglais en 1359, p. 97).
  2. D. Marlot, Hist. de la ville, cité et université de Reims, t. IV, p. 77, note 1.
  3. Varin, Archives administratives de la ville de Reims, t. III, p. 117.
  4. Froissart, éd. Luce, t. V, p. 137, Fragments inédits de la chronique de Jean de Noyal, publiés par A. Molinier ; Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, année 1883, p. 257 et 259.
  5. S. Luce, Histoire de Bertrand du Guesclin et de son époque, p. 460 et 485 à 487.