Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1897 - tome 58.djvu/218

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par le travail. D’un tempérament plutôt impétueux, mais qui savait se maîtriser, il avait les dehors d’un homme calme et énergique, austère et réservé, peu expansif ; il n’était pas de ceux qui, au milieu des joies et des difficultés de la vie, passent tour à tour de l’exaltation au découragement. Il cheminait gravement, en philosophe soutenu par des convictions religieuses aussi inébranlables et intransigeantes qu’il était infatigablement laborieux. Polémiste à ses heures, il mit avec bonne foi et sans arrière-pensée son érudition et son réel talent littéraire au service de ses convictions, et plusieurs de ses écrits, — il s’en faisait gloire, — ont un caractère nettement apologétique. Si ses opinions n’eurent pas le don de plaire à tous, du moins, ne saurait-on lui refuser le rare mérite de ne les avoir jamais cachées, au risque même de se trouver, à certains moments, en conflit avec ce qu’on appelle les idées du jour.

« Il y a dix-huit mois, cet homme de caractère et vraiment courageux, épuisé par le labeur quotidien que lui imposaient les nécessités de l’existence, est tombé comme un soldat sur le champ de bataille, frappé soudain par un mal implacable. Nous le vîmes essayer de se relever ; il se ressaisit comme un vaillant qu’il était, et stoïquement, sans proférer une plainte, il voulut se remettre à ses travaux, reprendre sa plume, retourner à son bureau des Archives nationales. Mais il n’était plus, hélas, que l’ombre de lui-même, ses forces physiques trahissaient son énergie morale, et en le contemplant avec tristesse, nous nous disions qu’il ne jouissait que d’un répit momentané. La mort, même lorsqu’elle est attendue, surprend toujours ; nous espérions, malgré tout et contre toutes les apparences, un relèvement relatif, lorsque nous avons appris que notre confrère avait subitement cessé de vivre. Il descend dans la tombe, trop tôt, hélas, pour les siens ; trop tôt aussi pour les travaux que nous promettaient son activité et son expérience. Du moins, je puis dire que, s’il n’a pas donné toute sa mesure, les œuvres nombreuses qu’il nous laisse honorent grandement sa mémoire, qui sera toujours chère à ses confrères et à ses amis. »


DISCOURS DE M. L’ABBÉ H. THÉDENAT,
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE FRANCE.


« Messieurs,

« Albert Lecoy de la Marche entra tardivement dans la Société des Antiquaires de France. En effet, à la séance du 6 mai 1885 seulement, il fut élu membre résidant à la place de M. Michelant, promu à l’honorariat.

« C’est vous dire que notre nouveau confrère, au moment où il fut admis dans notre Compagnie, avait déjà derrière lui un long passé d’une vie laborieuse.