Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1897 - tome 58.djvu/510

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Essais sur la poésie liturgique au moyen âge : tel était le titre de sa thèse. Il avait conçu le projet de faire un travail d’ensemble sur les proses, les tropes, les offices rimés. Il voulait écrire l’histoire de cette poésie et en rassembler une collection vraiment complète, où les chants de toutes les églises de la catholicité, réunis les uns à côté des autres, donneraient à l’ouvrage un caractère réel d’universalité. Ce projet a été réalisé par la publication des Œuvres poétiques d’Adam de Saint-Victor et par celle de l’Histoire de la poésie liturgique au moyen âge. Dans ce dernier volume, il a traité, d’une manière aussi curieuse que neuve, la question des tropes intercalés au texte pontifical de la liturgie catholique, il y a fait connaître dans les menus détails la nature, l’origine et les vicissitudes de ces morceaux d’office auxquels est liée si intimement l’histoire de la poésie latine, celle de la musique et du théâtre au moyen âge. Ces recherches, tout à fait originales, sont présentées avec la chaleur d’exposition dont il avait le secret ; il a suivi pas à pas les développements des tropes ; il a montré comment en étaient sorties les proses, puis les petits poèmes satiriques que les élèves des moines chantaient pendant les récréations. C’est par l’étude laborieuse des manuscrits qu’il est arrivé à mener à bien cette œuvre d’érudition aussi instructive qu’intéressante. Il fallait tout son talent, toute son ardeur, toute sa critique impartiale pour traiter avec succès un sujet aussi ardu et pour montrer quelles ressources offrent les monuments liturgiques à ceux qui veulent apprécier l’esprit et pénétrer dans les habitudes de la société religieuse du moyen âge.

« Ses travaux sur l’histoire littéraire sont les plus connus ; ils lui ont valu à diverses reprises les plus hautes récompenses académiques. Léon Gautier a eu une bonne fortune, rare pour un érudit, celle de voir le succès de ses livres ; il le doit surtout à la chaleur communicative et à la clarté de son style. Son plus vif désir était d’exprimer ses idées d’une manière heureuse et agréable. Il ne méprisait pas la forme pour ne s’occuper que du fait. On lui a quelquefois reproché son ardeur et son enthousiasme, mais, sans ces puissants mobiles, il n’aurait pas entrepris les œuvres qu’il nous laisse, il n’aurait pas rendu d’aussi notables services à la science. « L’histoire littéraire, disait-il, touche par trop de côtés à la littérature, à l’art lui-même, et par conséquent à toute notre âme, à toutes nos idées, à tous nos sentiments. Comment voulez-vous que je lise Aliscamps sans m’émouvoir très vivement, comment voulez-vous que j’en parle sans cette sorte de frissonnement qui donne au style un éclat et une chaleur naturels ? » Le premier volume des Épopées françaises parut à un moment où on n’avait encore, dans le public lettré, que des notions très vagues sur notre ancienne littérature. L’histoire de notre poésie épique est une matière singulièrement complexe, et, sans un plan très clair, elle serait tout à fait ténébreuse. C’est un des grands mérites de Léon Gautier d’avoir apporté l’ordre