Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1897 - tome 58.djvu/630

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nombres désignent, d’après M. Lauer, des paragraphes, et chacun de ces paragraphes correspond à une année.

On peut faire à ce raisonnement de très graves objections. D’abord, pourquoi cette numérotation commence-t-elle, dans tous les manuscrits, à 925, au plus tôt, et jamais à 919 ? Cette circonstance n’est-elle pas de nature à faire naître un doute ? Comment justifier une pareille omission ? Et on sait que deux manuscrits au moins sont de la fin du xe siècle ou du commencement du xie et ont été écrits, par suite, par des scribes presque contemporains de Flodoard.

Celui-ci a de plus soigneusement noté dans ses Annales les années pendant lesquelles s’étaient produits les événements qu’il rapporte, et cette indication d’années forme, dans son œuvre, une division si naturelle qu’on ne s’expliquerait pas qu’il ait cru devoir la renforcer sans la modifier. Pourquoi ce double emploi ?

Enfin, par suite de quelle préoccupation bizarre aurait-il indiqué, par des signes inintelligibles pour la plupart de ses contemporains, une division dont le seul but était de les éclairer et de les guider ? Cette particularité nous paraît indiquer, au contraire, que ces nombres se rapportent à son âge qu’il ne notait que pour lui seul. On comprend, par suite, qu’il ait eu la coquetterie de le noter en grec.

L’hypothèse de M. Lauer se heurte donc à des difficultés très grandes, pour ne pas dire à des impossibilités. Nous doutons très fort qu’il s’y fût arrêté lui-même, si son esprit n’avait été dominé, comme nous le disions en commençant, par une idée de lacune et n’avait été mis ainsi dans une disposition très fâcheuse.

Il n’hésite pas à tirer de son hypothèse la conclusion logique qu’elle comporte. Ces nombres indiquant une suite de paragraphes et d’années, la date initiale des Annales doit être placée non à 919, mais à 893. La lacune est moins grande que dans la vieille hypothèse, mais il y a néanmoins une lacune qui s’étend de 893 à 919.

Or, quel est le critique, dont le jugement ne serait pas influencé par cette idée de lacune, qui pourrait accepter une hypothèse édifiée sur une base aussi fragile ? On trouve, dans une partie du texte des Annales de Flodoard, des nombres, dont rien, soit dans l’œuvre elle-même soit ailleurs, ne précise la signification, et ces nombres suffiraient pour permettre de dire, contre tous les manuscrits et contre tous les témoignages, que ce texte nous