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Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1900 - tome 61.djvu/424

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pu, en aucun cas, lui appartenir[1]. Pour ne citer ici que des noms illustres, Suger et Blanche de Castille, dans l’opinion commune, sont traités de régents ; ils ont pu l’être par le fait, mais en réalité ils n’ont jamais porté ce titre, qui, à leur époque, n’existait pas.

À commencer par Suger, le titre de régent n’est adjoint à son nom ni dans les actes publics ni dans les récits des historiens. Le biographe du célèbre abbé de Saint-Denis, parlant de l’assemblée d’Étampes, dans laquelle Louis VII et les grands s’occupèrent de régler le gouvernement pour le temps où le roi serait à la croisade, dit simplement que Suger accepta malgré lui l’administration et le soin de l’État : « reipublicæ amministrationem et curam[2] ; » dans la lettre par laquelle le couvent de Saint-Denis notifia la mort de ce grand homme, il est dit que le roi, sur l’avis des grands, lui avait confié le gouvernement, « regnum specialiter regendum commisit[3], » mais Suger lui-même, dans les actes où il apparaît comme chef de l’État, ne porte jamais d’autre titre que celui d’abbé de Saint-Denis[4]. Une observation du même genre peut être faite au sujet du comte Raoul de Vermandois, qui partagea les pouvoirs délégués à Suger.

À l’exemple de son père, Philippe-Auguste, quand il partit pour la croisade de Saint-Jean-d’Acre, remit le pouvoir royal à deux personnes, sa mère, Adèle ou Ale de Champagne, et son oncle, Guillaume de Champagne, archevêque de Reims. Ils furent investis de la puissance souveraine[5], ce qui d’ailleurs n’empêcha pas le roi de prendre ses mesures pour qu’ils fussent bien secondés. C’est ainsi que dans la célèbre ordonnance de 1190, connue sous le nom de Testament de Philippe-Auguste, le roi ordonne à ses baillis d’adjoindre à chacun des prévôts quatre hommes de bien, chargés de veiller, pendant son voyage, à

  1. On sait qu’il n’y a pas eu de régence déclarée en 1483, quoique l’on considérât, sans doute par une fausse interprétation de l’ordonnance de 1374, Charles VIII comme n’étant pas encore majeur, attendu qu’il n’avait pas encore achevé sa quatorzième année.
  2. Vie de Suger, l. III, éd. Lecoy de la Marche, p. 293.
  3. Œuvres de Suger, éd. Lecoy, p. 406.
  4. Ibid., p. 246, 255, 257.
  5. Delaborde, Œuvres de Rigord, etc., p. 99 : « Adele carissime matri sue et Guillelmo Remensi archiepiscopo, avunculo suo, pro tutela et custodio totum regnum Francorum cum filio suo dilectissimo Ludovico commendavit. » (Testament de Philippe-Auguste, Ibid., p. 101-102.)