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SOLO DE FLUTE[1]




À mon ami Saint-Germain.


Accessoires : une flûte — naturellement — un pupitre, un morceau de musique pour flûte (clarinette, grosse caisse ou hautbois, cela n’a aucune importance). Au fond, ou à droite, ou à gauche, un piano — de n’importe quelle fabrique, avec ou sans queue, accordé ou non, ça ne fait rien. — Si le piano gêne tant soit peu, pas de piano. — Pas de pianiste non plus, même s’il y a un piano. — En tout cas, le pianiste n’a pas besoin d’avoir du talent, — au contraire. Il ne connaîtrait pas une note de musique que cela serait préférable. — À part cela, tout ce qu’on voudra : fauteuils, candélabres, fleurs, porte-manteaux, vases de Chine ou de Sèvres, tableaux, etc… etc… en un mot, tout ce qui peut flatter l’œil du spectateur et lui bien disposer l’oreille.

L’artiste entre en scène — et en habit, s’il en a un, — air empreint de modestie — celle du talent, il salue une ou plusieurs fois, selon le degré de politesse qu’il a reçu de sa famille, prépare son pupitre, sa musique, sa flûte, se dispose à jouer, ne joue pas, — très important ça ! — et finit par s’adresser au public avec l’assurance hésitante que doit donner une émotion profonde, mais contenue.

(Portant sa flûte à ses lèvres et la retirant comme si l’émotion l’étouffait.)

Je vous demande pardon, mais… je me sens ému… très ému… C’est la première fois que je joue en public, alors… je ne me doutais pas de l’effet que… je vais me remettre. Mais pour l’instant, je manque

  1. NOTA. — Arrangez-vous de façon à ce que le public croie (le plus longtemps possible) que vous allez jouer réellement. Tout le comique de cette saynète est là.