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d’expérimenter sur soi-même. C’est un très grand avantage, car alors on travaille seul dans une pièce isolée, et on est bien tranquille. Gley, pour étudier l’influence du travail intellectuel sur le pouls carotidien, lisait des pages de science ou de métaphysique. En graduant les lectures, on peut augmenter à volonté l’intensité de la contention d’esprit ; mais en général cette intensité est moindre que celle du calcul mental ; il est rare que l’on fasse pendant une lecture un effort mental aussi vigoureux que lorsqu’on cherche à faire de tête une multiplication un peu compliquée.

Tels sont les principaux procédés qui ont été imaginés jusqu’ici pour l’étude du travail intellectuel court et intense ; c’est une étude qui a été entreprise le plus souvent à un point de vue physiologique, pour connaître les effets du travail intellectuel sur le cœur, ou sur la chaleur animale, ou sur la force musculaire. Quand le travail est court et intense, et surtout quand il prend la forme d’une recherche, il s’accompagne souvent d’un sentiment d’anxiété ; on craint de s’embrouiller et de ne pas trouver la solution juste, de ne pas répéter exactement les chiffres. L’émotion augmente si, comme il arrive souvent, le sujet n’est pas isolé, et si l’expérience se fait devant plusieurs témoins. Les effets de cette émotion s’ajoutent à ceux du travail intellectuel et l’expérience n’est pas bien faite. Un auteur allemand, Kiesow[1], ayant remarqué cette cause d’erreur, a prétendu que le travail intellectuel ne produit d’effet sur la pression du sang que s’il est accompagné d’émotion ; mais cette conclusion est certainement exagérée. Il vaut mieux se borner à signaler cette cause d’erreur, et faire des efforts pour l’éviter.

Les recherches sur un travail intellectuel long, prolongé pendant plusieurs heures, sont moins nombreuses que les précédentes ; il y en a peu qui aient été faites dans les

  1. Arch. ital. de biologie, 1895, XXIII, p. 198-211.