son livre, mais ce n’est là que du symbolisme. Comprendre, comparer, rapprocher, affirmer, nier, sont, à proprement parler, des actes intellectuels, et non des images.
C’est surtout le langage intérieur qui exprime bien les démarches de notre pensée ; si les mots sont inférieurs en un certain sens aux images, comme aux perceptions, car ils sont loin d’en exprimer toutes les nuances — la description la plus minutieuse d’un caillou n’épuisera jamais tout ce qu’on y peut discerner — en revanche, les mots expriment beaucoup mieux, avec toutes les ressources de la syntaxe, les liaisons de nos idées[1]. Dans les réponses de nos fillettes, expliquant ce qui leur est venu à l’esprit après l’audition d’un mot ou d’une phrase, on trouve très souvent des traces de ce langage intérieur, dans des expressions comme celle-ci : je me suis dit. Du reste, les deux enfants ont remarqué explicitement qu’elles pensent avec des mots.
Conséquemment, on a pu supposer que, dans les parties où elle se passe d’images, la pensée se compose essentiellement de langage intérieur, elle est un monologue. C’est ce qu’a supposé et dit comme en passant William James, ce grand psychologue intuitif qui a si profondément étudié le mécanisme de la pensée. Lui aussi il a été frappé de constater quelle petite part l’image prend dans la pensée[2], bien qu’il soit arrivé à cette conclusion surtout par des raisonnements théoriques, et rarement par des observations ; c’est la seule critique que je puisse faire à son beau chapitre sur « The Stream of Thought ». Citant l’observation curieuse d’un de ses amis qui peut raconter le menu de son repas, et ce qu’il y avait sur la table, parce qu’il le sait, et sans rien visualiser de la table et des plats,