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CHAPITRE II

Ce qu’on pense


I


Laissons là les considérations théoriques, toujours un peu vagues, et occupons-nous d’expériences. Notre but est de montrer qu’il est possible de faire une application des méthodes expérimentales à des phénomènes psychologiques qui ne sont ni la sensation, ni le mouvement ; pour ne pas esquiver la difficulté, j’ai choisi une de ces questions qui jusqu’ici ne sont traitées le plus souvent que par l’ancienne psychologie : la question de l’idéation. Rechercher à quoi pense une personne, comment elle passe du mot à l’idée, comment sa pensée se développe, par quels caractères précis sa pensée lui est personnelle et différente de celle d’un autre individu, voilà toute une série de problèmes qu’il serait certainement difficile d’examiner avec les méthodes ordinaires de la physiologie ; je ne vois pas le secours que nous donneraient les appareils d’enregistrement ou de chronométrie ; toutes les expériences que j’ai faites sur l’idéation n’ont exigé comme appareils qu’une plume, un peu de papier et beaucoup de patience ; elles ont été faites en dehors du laboratoire. Ce sera donc, à mon avis, une excellente occasion de montrer que la psychologie expérimentale ne consiste pas essentiellement dans l’emploi des appareils, et peut se passer de laboratoires, sans cesser d’être exacte.