Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/233

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cette enfant ne manque pas de sensibilité littéraire. Le défaut, c’est que la description matérielle est toujours incomplète ; les détails sont peu nombreux, et souvent imprécis ; et même, en y regardant de près, on trouve que quelques-uns sont inexacts ; ils ont été mal vus, ou mal interprétés, faussement ou négligemment décrits, avec des expressions qui ne cherchent pas à serrer la réalité de près.


Un an après les expériences que je viens de rapporter, j’ai fait refaire des descriptions d’objet par mes deux fillettes. Marguerite est restée observatrice ; Armande a, au contraire, beaucoup changé ; elle a cessé dans ses descriptions de faire de la fantaisie, et se borne à décrire l’objet qu’elle a sous les yeux, comme Marguerite, mais avec moins de détails, de minutie et d’exactitude. Étonné du changement, je mets sous les yeux d’Armande ses anciennes descriptions, je l’interroge, et elle me répond : « Maintenant je n’aime pas mettre des choses comme ça, ça me paraît bête. »


Esprit d’observation.


Nous avons vu précédemment, dans l’expérience de recherche de mots, que Marguerite nomme beaucoup plus souvent qu’Armande des objets présents, faisant partie du milieu actuel. Cette tendance si manifeste était cependant difficile à expliquer ; on aurait pu y voir la preuve de quelque pauvreté d’idéation, plutôt que de l’esprit d’observation ; et je pense que la première interprétation serait juste dans certains cas, pour certains sujets, et fausse pour d’autres. L’expérience sur les associations d’idées nous a montré ensuite que lorsqu’on nomme un objet qui figure dans la pièce, c’est le plus souvent à cet objet