Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/24

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ques années, et prétend que le changement provient d’une amélioration dans l’état de sa santé ; elle a vu en même temps, et pour les mêmes causes, pense-t-elle, s’affaiblir son audition colorée. Une jeune fille de 18 ans, Came…, connaît bien l’état de rêverie et m’en donne une longue description. Sa rêverie est assez profonde pour qu’elle oublie l’endroit où elle se trouve. En général, l’état débute ainsi : son regard se fixe sur un point et devient immobile. La veille, par exemple, revenant en bicyclette de F…, elle s’arrête sur le pont du chemin de fer, pour attendre un omnibus ; elle s’approche d’une petite affiche indiquant les heures de départ de l’omnibus ; tout en lisant, elle sent que son regard devient fixe et s’immobilise sur l’affiche, et elle commence à rêver. Je remarque que ni Armande, ni Marguerite n’ont pu me donner une description aussi complète de la rêverie, ce qui prouve vraisemblablement qu’elles n’ont pas une nature aussi rêvasseuse que Came….

Laissant de côté ces premiers tests, qui ne donnent que des indications, je vais exposer les résultats obtenus avec mes tests d’idéation. Le premier de ces tests consiste à faire écrire à une personne une série de mots ; ensuite, on lui demande d’expliquer le sens qu’elle a attaché à chaque mot écrit, et par quelle association elle a passé d’un mot au suivant. Les mots écrits ne sont là que comme des points de repère, qui permettent au sujet de mieux analyser après coup, par le souvenir, ses phénomènes d’idéation.

Je désigne cette épreuve sous le nom de recherche des mots ; ce nom exprime bien la préoccupation constante du sujet pendant qu’il fait l’exercice, préoccupation qui donne à son travail un caractère artificiel ; car penser librement, ce n’est pas du tout chercher des mots. Ce travail auquel on oblige le sujet a toutefois l’avantage de le rendre à peu