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ET CRITIQUE

ma thèse sur Ronsard p. lyr, passim. — Quant à Coquillart, je ne le vois cité et imité nulle part chez eux, si ce n’est dans les Folastries de Ronsard, et encore l’imitation serait-elle très lointaine ; c’est sans doute pour cette raison que Binet a supprimé Coquillart de sa troisième rédaction (à moins que ce nom ne soit tout simplement tombé à l’impression). — Enfin Cl. Marot, que Ronsard appelle « la seule lumière en ses ans de la vulgaire poësie » (Epître au lecteur, préf. des Odes de 1550, Bl., II. 10), et auquel il reconnaît le mérite d’avoir écrit les meilleurs vers qu’on pût écrire alors sur un sujet élevé (Ode sur la victoire de Cerizoles, strophe I, Bl., II, 53), a montré la voie à Ronsard dans plus d’un genre (élégie, églogue, blason, épigramme, épitaphe, ode, sonnet), et lui a suggéré plus d’un thème. Cf. H. Guy, art. cit., pp. 246 et suiv. ; P. Laumonier, thèse sur Ronsard p. lyr., passim ; voir ce que je disais déjà dans la Rev. d’Hist. litt. de janv. 1902, notes des pp. 39, 53, 67, 73, 76.

P. 10, l. 13. — limures d’or. Cf. la biographie de Virgile attribuée à Donat : « Cum is aliquando Ennium in manu haberet, rogareturque quidnam faceret, respondit se aurum colligere de stercore Ennii. Habet enim poeta ille egregias sententias sub verbis non multum ornatis. » (§ XVIII. Voir le Virgile de Heyne, tome I, et le Suétone de Reifferscheid, p. 67.)

Binet est le seul biographe de Ronsard qui lui ait fait tenir ce propos. On n’en trouve pas trace dans les œuvres du poëte. Mais ce propos est vraisemblable, et, malgré son excessif dédain, plus juste que ces lignes de l’Epitre au lecteur des Odes de 1550, où Ronsard, après avoir déclaré qu’il n’a vu « en nos poëtes françois chose qui fust suffisante d’imiter », ajoute avec une réelle ingratitude : « L’imitation des nostres m’est tant odieuse (d’autant que la langue est encores en son enfance) que pour ceste raison je me suis esloigné d’eus, prenant stile à part, sens à part, œuvre à part, ne desirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur. » (Bl., II, 10.)

P. 10, l. 20. — livre François. Cette date correspond à celle où Ronsard fut tonsuré, et fit au Mans la rencontre de Jacques Peletier, qui était alors secrétaire de l’évêque René du Bellay, 6 mars 1543 (n. st.). V. à ce sujet ma Jeunesse de Rons. (Rev. de la Renaiss. de mars 1902) et ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 23. — Il est donc vraisemblable que Ronsard, ayant renoncé ainsi aux carrières que son père avait rêvées pour lui, obtint la permission de « se remettre aux lettres ». Il est encore possible que Loys de Ronsart ait conseillé à son fils de se consacrer tout entier à la carrière ecclésiastique, lui remontrant combien « le mestier des Muses » était aléatoire et peu lucratif. Mais qu’il lui ait interdit soudain des lectures qu’il avait jusque-là permises, et dont le jeune homme avait déjà largement profité (d’après Binet lui-même), je trouve là quelque chose d’invraisemblable et de contradictoire. Et puis, qu’aurait-on gagné à lui enlever des mains les auteurs français, si on lui laissait les auteurs latins et italiens, voire les auteurs grecs traduits en latin ? Au point de vue paternel, ceux-ci devaient être au moins aussi dangereux que ceux-là ; il me semble même que les œuvres d’Horace, de Second, le Marulle, de Pétrarque, de Sannazar,