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COMMENTAIRE HISTORIQUE

Ce fut sans doute ce qui obligea Duperron à ne la point faire paraître dans l’Or. fun. de P. de Ronsard. Que dira-t-on donc quand on la verra en prose dans une Histoire, je veux dire dans la Vie de Ronsard ? Mais que dira-t-on de M. de Thou, ce grave, ce vénérable magistrat qui a débité fort sérieusement la même pensée dans une Histoire générale qui est un chef-d’œuvre : « Natus erat (Ronsardus) eodem, quo infeliciter a nostris ad Ticinum pugnatum est, anno, ut ipse in elegia ad Remigium Bellaqueum seribit : quasi Deus jacturam nominis Gallici eo praelio factam, et secutum ex illo veluti nostrarum rerum interitum, tanti viri ortu compensare voluerit. » (Dict., loc. cit., note B. Cf. Aug. Thuani Histor. lib. LXXXIII, p. 321 de l’éd. de Londres, 1733, et Rem. crit. sur le Dict. de Bayle, 1752, art. Ronsard)

P. 4, l. 16. — ses escris. La source de cette légende est ce passage de l’autobiographie :

......et presque je me vy
Tout aussi tost que né de la Parque ravy.


Les poètes aiment ces antithèses, et ce vers fait songer involontairement à ceux où V. Hugo rappelle qu’il vint au monde

Si débile, qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un faible roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
(Feuilles d’Automne)


Il est vraisemblable qu’une chute a failli coûter la vie au petit Pierre de Ronsard le jour de son baptême. Mais cet accident est devenu pour Binet un indice de gloire future et un prétexte à phraséologie. Il a été visiblement préoccupé d’imiter ce passage de la Vita Virgilii attribuée à Donat : « Ferunt infantem, ut fuit editus, nec vagisse, et adeo miti vultu fuisse, ut haud dubiam spem prosperioris geniturae jam tum indicaret. Et accessit aliud praesagium... » (§ I.)

Bayle raille avec raison « ces traits d’esprit ». Voilà, dit-il, « ce qu’on appelle concetti au delà des Alpes. M. Le Pays ne manqua pas de rimer sur cette pensée lorsqu’il fit l’histoire de la Muse de Ronsard » ; et il cite la prose et les vers de Le Pays (Dict., loc. cit., note C). Binet a-t-il créé cette légende ou l’a-t-il simplement recueillie toute formée ? En tout cas les habitants de Couture la racontent encore avec des variantes, et indiquent le pré à Bouju comme lieu de la chute (Voir ma Jeunesse de Rons., Rev. de la Renaiss., févr. 1901, p. 107 ; Hallopeau, Ann. Fléch. de nov. 1905, p. 182, et le Bas-Vendômois, p. 94).

P. 4, l. 20. — Beau-lieu. Du Perron dit de son côté que le poète avait eu « cinq freres aisnez » et qu’ « il en restoit encore trois » quand il vint au monde. La source commune des deux biographes est ce passage de l’autobiographie :

Je ne fus le premier des enfans de mon pere,
Cinq davant ma naissance en enfanta ma mere :
Deux sont morts au berceau, aux trois vivans en rien
Semblable je ne suis ny de mœurs ny de bien.


On remarquera : 1o que les trois textes ne mentionnent que six enfants,