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ET CRITIQUE

ter l’œuvre de Ronsard, ont modifié ce passage sur les indications de Baïf (mort en 1589), ou plutôt sur la demande de Dorat (mort en 1588), qui y avait intérêt. Mais, quoi qu’il en soit, le texte cinq ans, établi par Ronsard dès 1554 et conservé par Du Perron dans toutes les éditions de son Oraison fun., a une grande valeur historique et doit être préféré à l’autre pour fixer la durée du séjour de Ronsard au collège de Coqueret comme « escolier » et pensionnaire.

P. 12, l. 15. — en sa mort. Adrien Turnèbe est mort le 12 juin 1565. Le sonnet auquel Binet fait allusion : « Je sçay chanter l’honneur d’une riviere » (Bl., VII, 239), parut d’abord à la fin d’une plaquette in-4° de 4 ff., intitulée Adriani Turnebi Regii Philosophiae professoris clarissimi Tumulus... (Paris, Fed. Morel). Cf. un recueil factice de la Bibl. Nat. coté Rés. mYc 925. Puis Ronsard l’inséra dans son recueil d’Elegies, Mascarades et Bergerie, publié dans la seconde moitié de 1565. Binet le trouva parmi les Epitaphes dans l’édition collective de 1584 (éd. M.-L., V, 308).

Il est probable que Ronsard fut auditeur de Turnèbe de 1551 à 1553 et que c’est par lui qu’il connut les fragments de Tyrtée, de Mimnerme, de Panyasis, de Simonide de Céos et de quelques autres poètes élégiaques et gnomiques grecs qu’il imita en 1553 et 1554 (V. ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 124).

À mon avis, c’est en ces années de liberté, et non pas durant le séjour au collège de Coqueret, qu’il faut placer le travail de recherche et de collection des textes les plus rares de la poésie grecque auquel se livra Ronsard et que signale en ces termes l’un de ses panégyristes, G. Critton : « Lutetiam tandem rediit, ubi doctore usus in Graecis et in Latinis literis Aurato, ex aureis divini illius hominis fontibus tantum hausit quantum si non ad satietatem saltem ad saturitatem sitientissimo cuivis homini poterat satisfacere. Nec enim in antiquis Graecorum aut Latinorum moumentis quid tam abditum et reconditum latet, quod ille non perquisierit, nullus solertioris alicujus interpretis Graeci locus, nulla paulò venustior extat fabella, quam ille non annotarit et expresserit. Jam in colligendis ipsis veterum Graecorum autographis et exemplis, in iis quae retrusa in privatis adhuc bibliothecis jacent recensendis quantopere diligens fuerit, testantur obsoleta multa et exesa penè vetustate Graecorum poetarum carmina nondum togatorum nationi cognita, quae per Gallandium propediem ut spero lucem accipient et omnium vestrùm manibus terentur. » (Laud. fun. p. 5.) La première moitié de ce développement convient très bien à l’enseignement de Dorat, dont Ronsard lui-même a écrit :

Ainsi disoit la Nymphe, et de là je vins estre
Disciple de Daurat qui long temps fut mon maistre,
M’apprit la poësie, et me monstra comment
On doit feindre et cacher les fables proprement,
Et à bien deguiser la verité des choses
D’un fabuleux manteau dont elles sont encloses.
J’appris en son escole à immortaliser
Les hommes que je veux celebrer et priser. (Bl., V, 190).


Mais la deuxième moitié, que nous avons soulignée, peut-elle se rap-