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ET CRITIQUE

le genre du sonnet à Ronsard dès ce moment-là ou depuis, comme il le préconisa à Du Bellay en 1546 (2e préf. de l’Olive), et que Ronsard n’ait pas suivi le conseil et l’exemple de Peletier, qui dès septembre 1547 dans ses Œuvres Poëtiques fit paraître 15 sonnets, dont 12 traduits de Pétrarque ; 3° ces lignes de la préf. des Odes de 1550 : « Je ne fai point de doute que ma Poësie tant varie ne semble facheuse aus oreilles de nos rimeurs, et principalement des courtizans, qui n’admirent qu’un petit sonnet petrarquizé ou quelque mignardise d’amour qui continue tousjours en son propos », permettent certes de penser que Ronsard en janvier 1550, même après le succès de l’Olive, qui remontait au printemps de l’année précédente, faisait moins de cas du sonnet (genre à forme fixe), que de l’ode (genre à forme libre). Mais suffisent-elles à prouver que Ronsard n’écrivit pas de sonnets au collège de Coqueret ? Je ne le crois pas.

Non seulement Ronsard admirait les sonnets de Du Bellay quand ils n’étaient encore qu’en manuscrit, les égalant à ceux de Pétrarque (ode Si les âmes vagabondes, Bl. II, 465), mais il a très probablement « petrarquisé » lui-même, surtout après le mariage de Cassandre (novembre 1546), qui faisait d’elle à son égard une autre Laure (v. ma thèse, pp. 43 et 478), et cela dans une forme rythmique illustrée en Italie non seulement par Pétrarque, mais par tous les pétrarquistes, entre autres Sannazar, Arioste et Bembo qu’il prisait fort dès cette époque. Au reste, parmi les 183 sonnets que contiennent ses Amours, publiés en septembre 1552, quelques-uns portent la date de leur composition, par ex. : Je vey tes yeux, et : L’an mil cinq cens (de mai 1546 au plus tôt, de mai 1547 au plus tard), à moins d’admettre que les indications chronologiques qu’il y donne ne soient qu’un procédé pétrarquesque et ne correspondent à aucune réalité (Bl., I, pp. 9 et 71. Cf. M.-L., I, 375, note 6).

Le sonnet : Ja desja Mars (Bl., I, 42), où Ronsard dit qu’il avait commencé à chanter Francus (allusion probable à l’Ode de la Paix, avril 1550) quand l’Amour le « playant jusqu’à l’os » le força à chanter ses propres exploits, ne doit pas être pris à la lettre, puisque Ronsard avait déjà chanté l’Amour et Cassandre dans ses Quatre premiers livres des Odes ; par suite il ne faudrait pas y voir la preuve que Ronsard n’avait encore jamais fait de sonnets amoureux ; tout au plus ce texte tendrait-il à prouver qu’il a écrit la grande majorité des 183 sonnets des Amours de juin 1550 à juin 1552, en vue d’un recueil particulier analogue à l’Olive de Du Bellay ou aux Erreurs amoureuses de Tyard (cf. le poème A J. de la Peruse, Bl., VI, 43). Si Ronsard n’a pas commencé comme Du Bellay et Tyard par imiter en sonnets Pétrarque et les pétrarquistes, c’est qu’il subissait surtout l’influence de Dorat et de l’enseignement de Coqueret, alors que Du Bellay, arrivé tard à Coqueret. subissait surtout celle de Peletier et de l’enseignement reçu à Poitiers (1545-47), et Tyard, étranger à Coqueret et Lyonnais de cœur, celle de Léon l’Hébreu et de M. Scève.

Au surplus, dans les pp. suiv. Binet semble bien dire que Ronsard fit des sonnets pour Cassandre avant 1550 : « C’estoit à qui mieux mieux feroit sur le sujet d’amour... Ainsi que le bruict couroit des Amours de