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ET CRITIQUE

cepteur », incidente qui, à elle seule, fait de Ronsard l’auteur de cette traduction du Plutus.

Je dis à elle seule parce qu’il n’existe pas d’autre texte, ni chez les panégyristes de Ronsard, ni dans les œuvres des prosateurs et des poètes de la deuxième moitié du xvie siècle, qui lui attribue la paternité de cette traduction. Lui-même, fait plus significatif (car il était très jaloux de la priorité de ses inventions), n’en a jamais parlé, pas même par allusion, pas même dans le poème A Jean de la Peruse ni dans le discours A Jacques Grevin, où il attribue à Jodelle le mérite d’avoir le premier écrit une comédie française (Bl., VI, pp. 45 et 314). Aucune allusion, non plus ni dans le prologue de l’Eugène de Jodelle, ni dans la préface des Œuvres de Jodelle par Ch. de la Mothe (1574).

Aucun fragment de cette traduction du Plutus ne se trouvait dans les manuscrits confiés par Ronsard à ses exécuteurs testamentaires, car Binet n’aurait pas manqué de le signaler et même d’en citer quelques passages comme il l’a fait pour d’autres fragments (v. ci-dessus, p. 48). En outre, cette traduction, intégrale ou fragmentaire, aurait été publiée dans la première édition posthume (1587), ou dans l’une des trois éditions suivantes (1597, 1604, 1609), surtout dans celle de 1609 qui contient pour la première fois un Recueil des pièces retranchées avec quelques autres non imprimées ci-devant. Or c’est seulement pour l’édition de 1617, plus de trente ans après la mort de Ronsard, que l’éditeur Nicolas Buon s’avisa de la faire rechercher et qu’il publia dans le dernier tome (formé du Recueil des pièces retranchées avec quelques autres non imprimées ci-devant), aux pp. 386 et suiv., l’Acte premier et le début de l’Acte second, précédés de cet avis anonyme : « Cecy est un fragment de la Comedie du Plutus d’Aristophane, qui fut (comme le tesmoigne Binet en la vie de Monsieur de Ronsard) la première joüée en France, et fut representée au College de Coqueret, d’où estoit Principal D’Orat. Monsieur de Ronsard estoit lors fort jeune quand il la fit, et n’a jamais esté mise sur la presse. Ce Fragment a esté recouvré par le moyen de quelques-uns, comme plusieurs autres pieces qui sont en ce Recueil. » — Le dit fragment était suivi de ce dizain également anonyme :

A vingt ans le grand Vandomois,
Sortant de la maison des Roys,
Mit cette Commedie entiere
Dessur le Theatre en lumiere.
Au bout de soixante et douse ans,
Comme une relique du Temps,
Ce Fragment que sa dent nous laisse
Est mis au jour devant les yeux
Sur le Theatre de la Presse,
A fin qu’il y reluise mieux.

L’édition suivante (1623, tome II, p. 1612, col. 2) révélait que ce dizain était de Claude Garnier, poète ronsardien, qui avait été chargé non seulement de donner un Commentaire aux Discours de Ronsard, mais « de remettre les Œuvres d’un si digne Autheur en leur premier estat, et de leur rendre par une correction volontaire l’honneur qui leur avoit esté ravy par les ignorances, ou par les negligences de la presse »