Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
ET CRITIQUE

Disc. contre Fortune (Bl., VI, 159-60, surtout ce vers : « Je fis des mots nouveaux, je restauray les vieux ») ; 2° Responce aux injures (VII, 127, surtout ce vers : « Je fis des mots nouveaux, je r’appelay les vieux ») ; 3° Abbregé. de l’A. P., dernier paragr. : « Tu composeras hardiment des mots à l’imitation des Grecs et des Latins... Tu ne desdaigneras les vieux mots François... d’autant que nostre langue est encores pauvre... » (VII, 335) ; 4° Préf. posthume de la Franciade :... « davantage je te veux bien encourager de prendre la sage hardiesse d’inventer des vocables nouveaux... » (III, 32 et 33, jusqu’à : « tu te donneras garde »). C’est là qu’on trouve le mot provigner (que Binet insère en B) appliqué à l’enrichissement de la langue ; mais Ronsard avait déjà exposé le procédé du provignement ou de la dérivation (car c’est tout un) dans son Abbregé de l’A. P., s’inspirant probablement de la Breve exposition sur quelques passages du premier livre des Odes par Jean Martin (cf. la réédition que j’en ai donnée dans la Rev. d’Hist litt. de la Fr., 1903, p. 271 et note 3). — Quant au Caprice à Simon Nicolas, où Ronsard préconise les moyens d’enrichissement qu’il a lui-même employés (VI, 329), il n’a pas paru avant 1609. Binet a pu cependant le lire dans les manuscrits de Ronsard.

On trouve un développement analogue sur l’enrichissement de la langue et de la poésie française par Ronsard dans les éloges composés par Du Perron, Velliard et Critton. Je me bornerai à celui de Critton : « Sed cùm stratam humi submissius repere, nec adhuc erigere se potuisse domesticam Musam animadverteret, nec quid plebeios illos qui tum legebantur poëtas praeter inanem rythmum et verborum similitudinem aucupari, primus altius inflare superioribus omnibus, primus dicendi veneres, et lepores in quibus Græci potissimum floruerunt, nostris versibus intexere, primus ad corumdem exemplum modificare vocabula quaedam et invertere, nova quaedam audacius excudere, eadem inter se concinnitatis quodam ordine componere, nec minus gravitatem in sententiis quam in verbis amplitudinem cœpit consectari. Quòd ergo floreat apud nos vernacula poesis, quòd cum qualibet alia gente sermonis ubertate possimus contendere, quòd nec Homero in Deorum laudibus concinnandis, nec Virgilio in bellicis rebus et heroïcis describendis, nec Pindaro in delicatulis odis, nec Ovidio in flebilibus elegiis decantandis quid debeamus, totum illud quantumcumque sit (quod certè est maximum) Ronsardi est proprium, qui quocumque in carminis genere elaboravit, antiquorum multis palmam, posteris omnem adaequandi sui spem praeripuit » (op. cit., p. 6). Cette page éloquente a passé tout entière dans la Vie de Ronsard par Colletet (pp. 34 à 36).

P. 14, l. 2. — sur la Lyre d’Horace. Ronsard lui-même nous apprend dans la préface primitive des Quatre premiers livres des Odes qu’il « se rendit familier d’Horace, contrefaisant sa naïve douceur des le même tens que Clement Marot... se travailloit à la poursuite de son Psautier » (Bl., II, 10). Mais, contrairement à Mlle Evers, je ne crois pas que Binet ait utilisé ce document pour la rédaction de cette phrase. En effet : 1° Binet date seulement du séjour de Ronsard à Coqueret ses premiers essais d’odes horatiennes, alors que la préface primitive des