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COMMENTAIRE HISTORIQUE

communiquées à ceux que je pensoy’ bien estre clervoyans en telles choses, singulierement à Pierre de Ronsard, qui m’y donna plus grande hardiesse que tous les autres, pour la bonne opinion que j’ay tousjours eue de son vif esprit, exacte sçavoir et solide jugement en nostre poësie françoise. » (Édition des Œuvres poétiques par H. Chamard, tome I, pp. 12 et 13.)

C’est sur ce texte, reproduit dans l’édition d’Aubert (1568), que Binet s’est fondé ; peut-être aussi sur ces vers de Ronsard, écrits et publiés en 1560 :

L’autre jour en donnant (comme une vaine idole
Qui deçà qui delà au gré du vent s’envole)
M’apparut Du Bellay, non pas tel qu’il estoit
Quand son vers doucereux les Princes allaitoit,
Et qu’il faisoit courir la France apres sa Lyre...
.................
Et me disoit : Amy, que sans tache d’envie
J’aimay quand je vivois comme ma propre vie,
Qui premier me poussas et me formas la vois
A celebrer l’honneur du langage François,
Et compagnon d’un art tu me montras l’adresse
De me laver la bouche és ondes du Permesse...
(éd. M.-L., V, 364.)


Le seul reproche que l’on puisse adresser à Binet ici, c’est de n’avoir pas fait la critique de ce dernier témoignage, qui paraît un peu suspect si on le rapproche des autres passages où Ronsard a parlé de Du Bellay. En effet, du vivant de celui-ci, Ronsard l’a toujours vanté comme son émule et son égal, non comme son disciple (Bl., I, 34, 42, 50 ; II, 11, 98, 117, 215, 465 ; VI, 43) ; il s’était contenté de dire vaguement en 1550 que dans le domaine purement lyrique il avait « guidé les autres au chemin de si honneste labeur » (Id., II, 9), et, s’adressant à sa lyre :

Je t’envoyai sous le pouce angevin
Qui depuis moi t’a si bien fredonnée
Qu’à lui tout seul la gloire en soit donnée.
(Ibid., 128.)


Ce n’est qu’après la mort de Du Bellay qu’il prétendit ouvertement avoir été son premier guide dans la carrière littéraire, sans tenir aucun compte de l’influence de Peletier, antérieure au séjour de Du Bellay à Coqueret. Bref Ronsard semble avoir voulu se réserver le mérite, l’honneur d’avoir formé et « lancé » Du Bellay, et Binet, loin d’y contredire, a écrit dans le même sens, surtout en C, où le désir de grandir le rôle littéraire de Ronsard lui a fait commettre de graves erreurs.

P. 15, l. 11. — Royne de Navarre. C’est l’ode imitée de Théocrite et de Catulle, qui est au tome II de l’éd. Bl., p. 241. Ce mariage eut lieu à la fin d’octobre 1548, à Moulins (cf. De Ruble, Le Mariage de Jeanne d’Albret, p. 263 ; A. de Rochambeau, Bull. arch. du Vendômois, tome XVII, p. 38). Ronsard fit paraître son Epithalame dans les premiers mois de 1549 (V. ma Chronol. des poés. de P. de R., dans la Rev. d’Hist. Litt., 1902, p. 40).

Jeanne d’Albret n’était pas encore « Royne de Navarre ». Elle ne le