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ET CRITIQUE

rang occupé par Ant. de Baïf entre les poëtes du temps depuis la mort de Ronsard, « et pour avoir esté le mesme faict autreffois à Me Pierre de Ronsard », on ferait à Baïf « un present en argent jusques à la somme de cent livres ».

Ce document, extrait du VIe Livre des « Conseils de la Maison de ville de Tholose », autrement dit du Registre des délibérations des Capitouls (année 1586, ff. 371 vo et 372 ro), a été publié dans le Bulletin de la Soc. archéol. du Vendomois de 1867, p. 209, puis par Rochambeau dans sa Famille de Ronsart, p. 261.

M. Mathieu Augé, qui fait imprimer actuellement une thèse sur Antoine de Baïf, m’a appris par une obligeante lettre que les Archives des Jeux Floraux contiennent, à la date du 3 mai 1586, les mêmes affirmations. Il y est dit notamment que le prix de l’Eglantine adjugée à Ronsard « fut converty en une Minerve d’argent », et que Ronsard « fist cognoistre combien ce present luy avoit esté agreable par les actions de graces qu’il en rendist et par beaucoup d’autres tesmoignages qui se treuvent parmy ses œuvres et parmy celles des autres poëtes de ce temps qui en ont fait mention dans leurs escripts. » (Registre des délibérations de 1584 à 1640 ; mai 1586, fo 18 vo.)

Mais j’ai vainement cherché dans les œuvres de Ronsard les « tesmoignages » de la satisfaction du poète. Il n’a pas même fait la moindre allusion à cet événement, comme s’il avait eu quelque honte à être récompensé par l’une de ces sociétés littéraires de province que la nouvelle école poétique avait traitées avec un suprême dédain par l’organe de Du Bellay (Deffence, II, ch. iv, début).

P. 23, l. 17. — de ses presens. Je ne connais qu’un seul ouvrage qui contienne la preuve du fait avancé ici par Binet : ce sont les Poëmata de Du Bellay, publiés en 1558. On y trouve six courtes pièces consacrées à célébrer la Pallas d’argent offerte par Toulouse à Ronsard, puis par celui-ci au Roi, ff. 26 vo à 28 ro (communication de M. H. Chamard), Voici la 3e de ces pièces, qui a sans doute inspiré Binet :

Tholosa ingenua, et Tholosa verè,
Tam bellam tibi quae dedit Minervam.
Tu quoque ingenuus, tibi datam qui
Regi Pallada maximo dedisti.
Nunc suo posita est loco Minerva :
Quid Princeps tibi maximus rependet ?


Si le geste de Ronsard en la circonstance fut une habile flatterie à l’adresse du Roi, était-il aussi flatteur pour le Collège des Jeux Floraux ? On peut en douter.

P. 23, l. 18. — l’Hercule Chrestien. Je ne vois pas ce qui a pu autoriser Binet à écrire cette phrase. Rien ne prouve que l’Hymne de l’Hercule Chrestien ait été « envoyé » aux Toulousains « en recompense » de l’honneur fait à Ronsard par le Collège des Jeux Floraux. Binet s’est quelque peu corrigé en C, en ajoutant que Ronsard « adressa » cet Hymne à Odet de Chastillon, qui, en qualité d’archevêque de Toulouse, aurait été, semble-t-il dire, comme un intermédiaire entre le poète et ses admirateurs. Cet Hymne fut en effet dédié dès l’édition princeps (1555) « à Odet, Cardinal de Chastillon, lors archevesque de