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INTRODUCTION

pond avec E. Pasquier, qui le considère comme un homme de goût, capable de juger « les belles choses »[1] ; avec Sc. de Sainte-Marthe, qui le loue comme poète et comme avocat-substitut[2] ; avec M.-A. Muret, qui, de Rome, le charge d’être son intermédiaire auprès des éditeurs parisiens, et dans une lettre à Féd. Morel l’appelle « hominum pereruditus »[3]. De son côté, La Croix du Maine écrit de lui que c’est « un homme fort docte en Grec, Latin et François et bien versé en l’une et l’autre poësie », et, après avoir énuméré ses principales œuvres : « Il florit à Paris cette année 1584[4] ». Bref Binet a de nombreuses et brillantes relations à la fois dans le monde de la Magistrature et du Barreau et dans le monde des Lettres, comme le constate J. Velliard en 1586[5].

Il est donc vraisemblable et très probable que Binet, durant les trois dernières années de la vie de Ronsard, eut l’accès relativement facile auprès du grand poète, du moins quand celui ci venait de Croixval à Paris, et seulement jusqu’en juin 1585, date où il quitta Paris pour ne plus y revenir. Ronsard était alors l’hôte de Jean Galland, principal du collège de Boncourt, son meilleur ami, chez lequel il restait alité des mois entiers, aux prises avec la fièvre et la goutte[6]. C’est là, peut-être à son chevet, que Binet, à la faveur d’un procès dans lequel il semble avoir été son avocat, tout au moins son avocat-conseil, s’entretint avec lui de poésie, essaya de relever son moral en lui parlant de guérison ou d’immortalité, s’insinua dans ses bonnes grâces et gagna sa confiance,

  1. Lettres de Pasquier, livre VIII, lettre x. Il l’entretient de poésies qui furent écrites sur la Main de Pasquier aux Grands Jours de Troyes (1583). D’ailleurs Binet n’a pas collaboré à ce recueil, quoi qu’en dise l’abbé Goujet (Bibl., tome XII, p. 257) ; l’Apologie de la main en prose est de Pasquier lui même.
  2. Poemata, Paris, M. Patisson, 1587, p. 103. L’épître Ad Claudium Binetum commence ainsi :

    Si quis amor, Claudi, tenuis cognoscere vatis
    Et genus et curas (paucis namque omnia pando)
    Accipe.

    Je détache de la fin les vers suivants, qui prouvent que Binet était au nombre des substituts du procureur général Jacques de la Guesle :

    Tu quoque Cirrhaeis aluit quem Musa sub umbris
    Egregiosque inter jussit florere poetas.
    Non ideo molli torpes, Binete, veterno :
    Sed magni vice Guellaei, qui regia jura
    Cognitor atque rei servat communis honorem,
    Principis interea populique negotia curas.

  3. Cf les Mélanges Graux, pp. 398 à 400. Les lettres en question sont de 1583. D’autre part, Muret termine ainsi une lettre à Jacques Gillot, conseiller clerc au Parlement de Paris en juillet 1584 : « Saluta mihi Nicotium, si istic est, et Binetum et Morellum ceterosque communes amicos. » (Id. p. 402.) Muret a dû se lier d’amitié avec Binet du jour où celui-ci lui adressa un hommage poétique dans son édition des Petronii Epigrammata (1579).
  4. Bibliothèque, art. Cl. Binet. Cet ouvrage fut publié en 1584.
  5. Cf. ci-après, p. xxii, un texte de J. Velliard, d’après lequel Binet était lié avec tous les personnages du temps « omnibus melioris notae viris intimus ».

    Les poésies latines de Binet lui ont valu l’honneur de figurer dans le recueil du savant Jean Gruther intitulé : Delitiae poetarum Gallorum hujus superiorisque aevi illustrium, Francfort, 1609, trois tomes in-16, publiés par Ranutius Gherus (anagr. de Janus Grutherus). Voyez le tome I, pp. 539 et suiv.

  6. Cf Marty-Laveaux, Notice sur Ronsard, lxxxvi et suiv., xc et suiv.