Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxi
INTRODUCTION

prieuré de Croixval, alla recevoir le dernier soupir de son ami. Dès qu’il fut revenu de l’enterrement, avec les papiers et les recommandations suprêmes du poète, il décida de lui préparer au collège de Boncourt des obsèques solennelles qui seraient comme un hommage public à sa glorieuse mémoire. Binet apprit de la bouche même de Galland les dernières circonstances de la vie de Ronsard et prit connaissance des vers que celui-ci avait composés sur son lit d agonie en novembre et décembre précédents. Apprit-il à ce moment seulement la part qui lui revenait comme exécuteur testamentaire, ou Ronsard la lui avait-il fixée avant de quitter Paris ? On ne saurait le dire avec certitude, bien que trois passages nous portent à croire qu’il savait à quoi s’en tenir sur ce point avant que Ronsard quittât Paris (voir ci-après, pp. 40-41, 48, 50). En tout cas, il résolut aussitôt, d’accord avec Galland, de faire imprimer les Derniers vers de Ronsard, de recueillir les éléments de son Tombeau, et de « dresser les principaux points du cours de sa vie », de façon que le tout fût prêt à paraître le jour même des obsèques, pour lesquelles on arrêta la date du 24 février 1586[1].

C’est ce qu’il est assez facile d’établir en rapprochant les documents suivants : 1° un passage de l’Eclogue de Binet « représentée » à ces obsèques ; c’est lui-même qui parle, s’adressant à Thoinet (A. de Baïf) et à Philin (Philippe Desportes) :

Si tost que sur ce bord arriva Gallantin,
La moitié de Perrot, nous contant quel destin
Avoit tranché ses jours, vous eussiez vu sur l’onde
Mainte vague rouler tristement vagabonde[2]...

2° Une lettre de Binet à Scévole de Sainte-Marthe, le priant de collaborer au Tombeau de Ronsard : « Monsieur, l’amitié que j’ay receue de Monsieur de Ronsard et qu’il vous a departie lors qu’il vivoit... », datée de Paris 23 janvier 1586[3] ; 3° l’épître-préface des Derniers vers, adressée par Binet « à la noble et vertueuse compagnie qui a honoré les obseques de Monsieur de Ronsard, Prince des Poëtes François », le jour même de ces obsèques[4] ; 4° l’épître-dédicace de la P. Ronsardi laudatio funebris, composée par J. Velliard, professeur à Boncourt, sur l’ordre de Galland ; en voici le début et la fin : « Particula muneris ejus adest (Gymnasiarca

  1. Si l’on en croyait une dédicace de l’Or. fun. de Ronsard par Du Perron, ce serait chez Desportes, et seulement le 18 février (il y a mars par inadvertance), que « le dessein de ces funerailles fut pris ». Ce texte adopté par Blanchemain (VIII, 180) et par Marty-Laveaux auquel il a fait commettre deux erreurs (Notice sur R., c et ci), fait partie d’une phrase ajoutée par Du Perron en 1611, après la mort de Desportes, et reproduite dans les éd. de Ronsard de 1617 et 1623. Non, ce n’est pas Desportes qui eut l’idée d’organiser la cérémonie funèbre du collège de Boncourt. C’est Galland qui l’eut, et cela dès le mois de janvier, comme le prouvent des textes de 1586 qui émanent de Binet (préf. de la 1re  éd. des Derniers vers), de Velliard (dédic. de sa Laudatio funebris), de J.-A. de Thou (Tombeau de Ronsard, Bl., VIII, 243), de Galland lui-même (dédic. de l’édition posthume des Œuvres de Ronsard, Bl., I, xvi).
  2. Cf le Ronsard de Blanchemain, VIII 228.
  3. Cf. le Ronsard de Marty-Laveaux, Notice, ci : reproduite par Mlle  Evers, op. cit., Introd., p. 3.
  4. Ibid., Notice, cii ; ibid., Introd., p. 6.