Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxvi
INTRODUCTION

ans avant sa mort, ayant eu des relations plus ou moins longues et suivies avec des hommes qui l’avaient connu intimement pendant de nombreuses années et qui survivaient, tels que Dorat son maître, A. de Baïf son condisciple et son émule, A. Jamin son page et secrétaire, J. Galland son hôte, dont les deux premiers furent les témoins de toute sa vie depuis sa vingtième année, le troisième celui de sa maturité, le quatrième celui de sa vieillesse — sans parler d’E. Pasquier, qui avait été « embrigadé » dès 1554 — Binet pouvait nous laisser un ouvrage utile et durable, malgré son admiration passionnée pour Ronsard. Malheureusement il n’a pas su s’y prendre : il a employé des moyens qui compromettent gravement l’autorité de son témoignage ; il eut trop le souci de sa propre gloire en glorifiant son grand homme, et il fit une œuvre d’avocat-poète, non d’historien.


III


Quelles ont été les sources d’information de Binet biographe, et comment s’en est il servi ? On peut diviser en deux grands groupes les documents qu’il a utilisés : 1° les documents écrits ; 2° les documents oraux.

A. Documents écrits. — Binet pensa tout d’abord à consulter les Œuvres de Ronsard, remplies de renseignements autobiographiques et simplement biographiques, ceux-ci dus à quelques amis du poète tels que Dorat, Muret, Belleau, L’Hospital. Mais il se contenta de les consulter dans l’édition la plus récente, l’in-folio de 1584 (on en trouvera les preuves dans mon Commentaire)[1], y ajoutant les manuscrits de certaines œuvres inédites dont il avait le dépôt. La première des pièces qui retinrent son attention fut l’Elegie à R. Belleau, où Ronsard parle de ses ancêtres, de sa naissance et des principaux événements de sa jeunesse jusqu’à l’entrée au collège de Coqueret ; il la fit passer entièrement dans sa prose. Un des poèmes adressés A Charles de Lorraine et un autre adressé A Pierre L’Escot lui fournirent quelques détails sur le court passage de Ronsard au collège de Navarre, et la résistance que rencontra chez son père sa naturelle « inclination aux Muses ». Une ode pindarique de Dorat, écrite dès 1549 à la louange de son brillant disciple et placée parmi les liminaires des Œuvres, plus trois passages des éditions collectives d’Ant. de Baïf (dédicace Au Roy et une pièce Aus Poêtes Fransoês) et de J. du Bellay (Hymne de la Surdité) lui permirent, ainsi que certains témoignages oraux dont nous parlons plus loin, de compléter le portrait de Ronsard écuyer et écolier.

Puis Binet mit très rapidement à profit — trop rapidement — toutes les pièces de Ronsard où il découvrit, ou crut découvrir, des indications sur ses faits et gestes aux environs de la vingt-cinquième année, ses maîtres et ses condisciples, ses débuts littéraires, ses adversaires et ses protecteurs à la Cour, les causes de l’opposition et les raisons de son succès

  1. Voir notamment pp. 59-6, aux mots « Remy Belleau ».