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INTRODUCTION

croire, c’est que, parlant des pamphlets écrits contre le poète et mentionnant le Temple de Ronsard qu’il attribue à Grevin, il ne dit pas un mot de la Seconde responce de F. de la Baronie, qui accompagnait le Temple et dont l’auteur est certainement Florent Chrestien.

En ce qui concerne Hélène de Surgères, il est vraisemblable que Binet ne s’est pas contenté de passer sous silence ce qui pouvait nuire à la réputation de cette « damoiselle ». Il y a tout lieu de penser que, cédant à ses sollicitations, il a inventé l’anecdote de Catherine de Médicis intervenant en personne pour que Ronsard chantât sur le mode pétrarquesque la noble Saintongeaise ; à moins que celle-ci ne soit elle-même l’auteur de cette histoire, que Binet, se fiant à sa parole, aurait enregistrée comme un fait historique, négligeant ici comme ailleurs la critique du témoignage. Quoi qu’il en soit, on sent que tout a été mis en œuvre pour sauvegarder l’honneur d’Hélène ; dans la première rédaction, rien sur elle ni sur les pièces qu’elle a inspirées à Ronsard ; dans la seconde, Binet en parle presque uniquement pour faire ressortir le caractère tout platonique de leurs relations ; dans la troisième, il insiste plus encore sur la pureté de ces relations et, dominé par cette préoccupation, il présente les Sonnets pour Hélène comme écrits « sur le commandement » de la reine mère, laquelle ne pouvait protester, et pour cause[1].

Sans aucun doute, Binet eut avec Hélène une ou plusieurs entrevues, ou a correspondu avec elle au sujet de Ronsard[2]. Cela justifie dans une certaine mesure, ou simplement explique la prétention qu’il avait d’être bien informé sur cet épisode de la vie de Ronsard — dont pourtant il n’avait rien dit primitivement, — prétention qui ressort surtout de trois notes très précises et fort instructives, où son contemporain, l’avocat Richelet, commentateur des Sonnets pour Hélène, nous le présente comme un homme dont la parole faisait autorité, « ayant sceu familierement l’intention du Poëte. » C’est Hélène qui avait renseigné Binet, au moins sur les détails que nous a transmis Richelet ; mais, pour donner plus de poids à son propre témoignage, il disait aux ronsardisants qui le questionnaient : Je tiens cela du poète en personne[3].

Je tiens cela du poète en personne, telle est l’affirmation qui revient plus de dix fois, comme un refrain, dans la Vie de Ronsard, et que l’on a malheureusement le droit de suspecter. C’est ce qu’il nous reste à montrer en terminant cette revue des principales sources orales de Binet.

Voici ce qu’on lit : 1o à propos des vers de Loys de Ronsart : « Et me souvient en avoir ouy reciter quelques-uns de nostre Ronsard… » (dans les trois textes) ;

2o à propos des poètes français que Ronsard lisait : « … et principalement, comme luy mesmes m’a maintesfois raconté, un Jean le Maire de Belges, un Romant de la Rose et les œuvres de Coquillart et de Clement Marot… » (dans les trois textes, sauf « de Coquillart et » qui a disparu du troisième) ;

  1. Catherine de Médicis est morte en 1589. V. ci-après, pp. 25 et 26, et Commentaire, p. 163 et 164.
  2. Rien n’est plus vraisemblable ; Galland est bien allé la voir au nom de Ronsard, d’après une lettre que possédait Colletet (v. ci-après, Commentaire, p. 166).
  3. V. ci-après, Commentaire, p. 167.