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Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/116

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L’INTELLIGENCE

Voici encore l’écolier qui ne profite pas de l’enseignement, pour une raison qui est vraiment paradoxale : il est trop intelligent. On rencontre parfois des enfants très brillamment doués, qui sont d’un niveau intellectuel très supérieur à celui des enfants de leur âge. Ils ne sont pas les derniers à s’en apercevoir. Dans la classe, ils n’ont pas besoin de grands efforts pour gagner la meilleure place. Leur vanité s’allume. Ils ne travaillent que par caprice ; ils n’apprennent leurs leçons qu’au dernier moment ; ils sont volontiers insubordonnés ; ils font des devoirs qui n’ont pas été donnés, pour se singulariser. À l’étude, ils empêchent les autres de travailler. On leur en veut, on les punit, mais ils se font toujours pardonner, quand vient le jour des grands concours. C’est pour eux qu’on devrait former des classes de surnormaux. Ces classes seraient tout aussi utiles, peut-être plus, que celles des normaux car c’est par l’élite, et non par l’effort d’une moyenne, que l’humanité invente et progresse ; il y a donc un intérêt social à ce que partout l’élite reçoive la culture dont elle a besoin. Un enfant d’intelligence supérieure est une force à ne pas laisser perdre.


Nous revenons maintenant à ceux qui ne comprennent pas, et qui montrent un défaut d’intelligence. Parmi eux une distinction importante est à faire. Les uns ont un abaissement général, global des facultés intellectuelles ; ils n’ont d’aptitude pour rien, ils sont également nuls dans toutes les branches de l’enseignement. Les autres sont plus favorisés ; ils montrent quelques aptitudes partielles. Le plus souvent, ils sont réfractaires aux idées générales et abstraites, mais leur main est habile ; ils ont de bonnes notes en dessin, et surtout à l’atelier ; quelques-uns se classent même les premiers en travail manuel ; l’outil les intéresse plus que la plume. Ce n’est pas un grand mal, s’ils doivent devenir plus tard de bons ouvriers.