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LA MÉMOIRE

inattendue de James, qui contredit tout ce qui a été observé sur la loi du progrès mental par l’exercice[1] et ils ont constaté que la mémoire est soumise, comme nos autres facultés, à cette loi. Cela a été observé chez des adultes, et aussi chez des enfants d’école ; les différences dues à l’entraînement sont même considérables.

Pour concilier les opinions opposées de James et des autres expérimentateurs, on peut supposer que l’exercice n’augmente pas, à proprement parler, la capacité de notre mémoire, mais il affine l’art avec lequel nous nous en servons. Pour apprendre un morceau de poésie, on ne met pas seulement en jeu la force plastique de l’esprit, c’est-à-dire cette qualité physiologique inconnue qui fait qu’une impression reçue est conservée et dort, attendant son réveil ; une mémorisation suppose en outre qu’au moment de la fixation on dirige son attention d’une certaine manière, qu’on prend des repos utiles, qu’on fait les répétitions convenables, qu’on fixe heureusement son esprit sur les idées du morceau, bref, qu’on utilise avec une certaine habileté ce qu’on a de mémoire. C’est de la même manière que l’éducation physique décuple nos forces, moins en augmentant matériellement la puissance des muscles qu’en nous apprenant l’art de retenir notre souffle et de ménager notre effort.

Le gain par l’exercice est encore plus étendu qu’on ne pense ; en creusant la question, on s’est aperçu que lorsqu’une personne fait un gain en s’exerçant à un travail quelconque, elle obtient un perfectionnement qui se transfère à d’autres travaux soit du même genre, soit de genres assez différents. C’est un fait curieux, presque incroyable. Apprendre à distinguer des sons de hauteur différente peut servir

  1. Voir p. 141, quelques exemples de cette loi.