je m’avise alors de multiplier 122 par 10, puis de doubler ; 122, multiplié par 10, cela fait 1 200 ; doublé, cela fait 2 400 ; je multiplie enfin 122 par 2, cela fait 242. Or, la grosse difficulté, c’est pendant que je trouve 242, de ne pas oublier 2 400 ; de même, pendant que je trouve 2 400, de ne pas oublier 12 000. Je suis obligé sans cesse de revenir en arrière, de me répéter les produits partiels déjà acquis, afin de les vivifier dans la mémoire et même, de temps en temps, je les perds ; et il faut que je recommence toute l’opération qui me les a fait trouver. Il est évident, d’après cette analyse, que le calcul mental exige une mémoire très sûre, permettant de tenir à sa disposition tous les chiffres dont on a besoin.
Une autre remarque bien intéressante est à faire ; c’est au sujet de la qualité de mémoire qui est nécessaire au calcul mental.
On croyait autrefois que c’était essentiellement une mémoire visuelle. On supposait que le bon calculateur mental calculait de tête comme sur le papier, et que mentalement il voyait le papier ; mais on a su depuis que s’il y a des calculateurs visuels, il y en a d’auditifs ou plutôt de moteurs, et que ces derniers ne voient pas les chiffres, mais les entendent, ou se les disent, et qu’en se les disant, ils calculent aussi bien que s’ils les voyaient. Le procédé seulement est un peu différent, car d’ordinaire, tandis que le visuel fait l’opération comme sur le papier, le moteur la décompose. Ainsi, s’agit-il de multiplier 125 par 142, le visuel opérera en commençant par la droite, et multipliera 125 par 2, puis par 4, puis par 1, et fera l’addition des produits partiels ; au contraire le moteur va multiplier d’abord 125 par 100, et ensuite par 42. Nous avons vu la réalité de ces deux types si curieux de calculateurs visuels et moteurs, en étudiant d’après nature, à notre laboratoire de la Sorbonne, deux calculateurs prodiges, aujourd’hui célèbres, Diamandi et Inaudi.